THE CEIMSA DOSSIER
UNIVERSITE STEHDHAL-GRENOBLE 3
(2004)
Article écrit par
Florence DALMAS et publié
dans le Dauphiné Liberé,
le 7 septembre 2004.
Polémique internationale à
l'Université Stendhal
Par Florence Dalmas
Les uns crient
à l'autodafé, à la
négation de la liberté d'expression. Les autres parlent
de crédits limités et
de légalité. La décision de la présidence
de l'Université Stendhal de ne plus
reconnaître un
centre d'études américaines et de ne
plus héberger son site
internet provoque une vive polémique qui sort largement du cadre
universitaire.
À
l'Université Stendhal, tout
paraît normal. Les travaux de restructuration des bâtiments
se
poursuivent tandis que les étudiants se préparent
paisiblement à reprendre le
chemin des amphis.
Et pourtant, depuis le
début de
l'été une querelle de plus en plus vive oppose le
chercheur américain Francis McCollum
Feeley à la présidence
de l'Université. A l'origine d'un différend qui est en
train de dépasser très
largement les limites de l'Université des langues et lettres et
de la
communication, la décision du nouveau président de
l'Université Patrick Chézaud,
et de son équipe, de mettre fin aux soutiens et
crédits accordés au CEIMSA (Center for the Advanced study
of American institutions and social movements)
mis en place par le professeur américain en poste à
Grenoble
depuis le mois de septembre 2000. Dans le même
temps,
c'est-à-dire à la date du 1er juillet,
l'Université a supprimé de son serveur
la totalité du site web du CEIMSA, ce qui représente
à peu près 3 000 pages de
documentation.
C'est à la fin
de l'année que
Francis Feeley, originaire de
l'Université de
Wisconsin à Madison, professeur de civilisation
américaine et connu pour ses
idées libérales, crée au sein de
l'Université Stendhal le CEIMSA, un centre de recherche
consacré aux États-Unis. Le Conseil scientifique de
l'Université alors dirigé
par Lise Dumasy décide d'octroyer
à cette nouvelle
structure une dotation financière prise sur des fonds
dévolus aux équipes de
recherche émergentes, c'est-à-dire non encore reconnues
par le ministère de
l'Éducation nationale. Cette dotation sera reconduite à
plusieurs reprises
jusqu'en mars 2004, date à laquelle le Conseil scientifique de
l'Université
décide de mettre fin à cette aide financière.
Pendant ce même
printemps,
l'Université a changé de président et
l'équipe de Patrick Chézaud
a succédé à celle de Lise Dumasy.
Un an avant, le
ministère avait refusé de reconnaître le centre en
arguant notamment de sa
petite taille. "La non-reconduction de la dotation financière va
de pair
avec la non-reconduction du CEIMSA en tant
qu'équipe
scientifique autonome ",
déclarait
Patrick Chézaud dans le courant du
mois de juillet. "Le centre
n'est donc plus reconnu par l'Université Stendhal ".
Cette mise en
"extinction" du CEIMSA notamment signalé comme centre atypique
est
allée de pair avec l'élimination du site web du CEIMSA du
serveur de
l'Université, élimination effective à partir du
1er juillet, même si à ce jour
le CEIMSA figure toujours sur la liste des centres de recherche sur le
site de
l'U III.
Cette querelle interne
à
l'Université aurait pu le rester, si le CEIMSA n'avait
déjà acquis une réelle
réputation internationale et si Francis Feeley
avait
accepté sans broncher la décision de l'université.
Mais pendant sa courte
existence le CEISMA avait organisé plusieurs colloques
internationaux ayant
attiré de nombreux participants français et
étrangers, et par ailleurs le site
web du centre était utilisé et apprécié par
de multiples chercheurs et
enseignants.
Si on ajoute à
cela le fait que
Francis Feeley n'entend pas
obtempérer docilement aux
décisions de la présidence, on sera moins
étonné des proportions prises par
cette affaire. La présidence a été inondée
de pétitions et de lettres et de
mails de soutien au CEIMSA envoyés depuis le
monde entier, aussi bien par des étudiants que
des enseignants
ou des personnalités d'horizons divers et
dénonçant conjointement la mise en
sommeil du centre et l'"autodafé électronique" du site
internet.
Sont également
intervenus des représentants
de syndicats français et américains ainsi que des
militants d'ATTAC. Dans le
même temps, Francis Feeley a
soulevé un recours pour
excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de Grenoble
qui a rejeté sa
demande. Nullement découragé, le professeur
américain, défenseur de
l'"adademic freedom", a
décidé de porter
l'affaire devant le Conseil d'État.
Parallèlement, il vient
d'envoyer plusieurs courriers à Jean-Jack Queyranne,
président du Conseil régional et à l'ensemble des
députés de l'Isère. Tout
récemment, l'Université du Californie a
décidé d'héberger sur son serveur web
le site du "CEIMSA in
exile". Francis Feeley
continue
de fustiger la "haine idéologique" et espère gagner le
droit de
rouvrir son site sur celui de l'Université des langues et
lettres.
Patrick Chézaud
rappelle quant à lui que l'Université a toujours agi dans
la plus parfaite
légalité et qu'il s'agit avant tout d'un conflit interne
avec un enseignant. Il
ajoute également que le serveur web de l'université ne
pouvait plus héberger le
site d'un centre n'ayant plus de reconnaissance officielle mais qu'il a
été
proposé à Francis Feeley de
permettre l'accès au site
du CEISMA via sa page personnelle d'enseignant à
l'Université.
En attendant la suite,
et
notamment la décision du Conseil d'État, chacun campe sur
ses positions. Pour
la plupart ignorants de ces querelles de clochers, les étudiants
préparent
tranquillement leur rentrée.