THE CEIMSA DOSSIER

UNIVERSITE STEHDHAL-GRENOBLE 3

(2004)

 

DOCUMENT #35

By Marc Olivier, economist et membre du Centre d'Information Inter-Peuples à Grenoble, pour publication dans le bulletin du CIIP.

 

 

La Présidence de l'Université Stendhal  s'abrite derrière le Ministère de la Recherche pour censurer les activités scientifiques d'un centre de recherche sur la société, la civilisation et la politique des USA dans le monde

 

Le campus de l'université Stendhal est le théâtre d'un véritable coup de force du Président Chézaud ("et de son équipe", comme l'écrit Florence Dalmas dans un long article du Dauphiné Libéré du 7 septembre) contre un centre de recherche de l'université trop dynamique et considéré de ce fait comme "atypique".

 

S'appuyant sur le refus du Ministère de la Recherche d'accorder un statut officiel au CEIMSA (Center for the Advanced Study of American Institutions and Social Movements) dirigé par le professeur Fancis Feeley, la présidence de l'université Stendhal a fait en sorte que le Conseil Scientifique ne lui renouvelle pas son soutien financier, puis en a déduit que le Centre était donc "en extinction" et qu'il fallait de toute urgence effacer du serveur de l'université les fonds documentaires (3000 pages de documentation !) constitués au cours des trois années d'activité du centre.  Ce qui a conduit le SNCS (Syndicat National des Chercheurs Scientifiques) à dénoncer un véritable "autodafé électronique" et à demander que le site du CEIMSA soit réimplanté immédiatement sur le serveur de l'université. Une lettre de Jo Briant, Président du CIIP, a soutenu la même demande.

La validité juridique de ce coup de force semble sujette à caution et elle est mise en cause par diverses actions engagées devant le Tribunal Administratif. Dans nombre d'universités en effet existent des centres de recherche qui ne reçoivent de soutien financier ni du gouvernement ni de leur université et ne sont pas pour autant "en extinction". D'autre part le Conseil d'Administration de l'université Stendhal, seule instance décisionnelle reconnue par la loi, semble ne s'être pas prononcé.

 

Mais le vrai problème est ailleurs: pourquoi avoir voulu faire un "nettoyage scientifique" aussi brutal, dommageable pour les étudiants du professeur Feeley, pour un public grenoblois de plus en plus large et pour de nombreux chercheurs dans le monde entier? Et finalement aussi pour l'image de l'université Stendhal ? Comme le déclare le communiqué du SNCS, il s'agit de toute autre chose:

 

" En fait, pour tous ceux qui ont suivi les activités du professeur Feeley et du CEIMSA, la raison est claire: au lieu de dispenser au public français les analyses "politiquement correctes", insipides et pleines de non-dits des courants de pensée "bien en cour" sur l'histoire et la société des Etats Unis, sur leur politique intérieure et extérieure, Francis Feeley met en lumière les réalités de ce grand pays, ses contradictions, les luttes sociales qui ont traversé son histoire et qui continuent à y faire rage aujourd'hui. Bref c'est un "radical" au sens américain du terme et ne voilà-t-il pas que l'université d'Austin au Texas demandait à ce professeur de l'université Stendhal de faire cours à ses étudiants ? Il ne fait pas de doute que pour les courants conservateurs et bien pensants, il devenait difficilement supportable de laisser le public français et étranger accéder librement aux textes diffusés par cet intellectuel critique des pouvoirs établis. Et pour jeter un site WEB à la corbeille, rien de plus simple que de supprimer le centre de recherche qui le développe. .. Les dirigeants de l'université Stendhal se sont donc rendus coupables de censure scientifique pour raisons politiques."

 

Ce coup de force de la présidence de l'université Stendhal soulève des protestations très larges, à Grenoble et dans le monde entier, qui reflètent l'intérêt que portent de nombreux étudiants, chercheurs et usagers du web aux travaux dirigés par le professeur Feeley. Parmi ces réactions, citons seulement celle d'un ancien Secrétaire Général de l'université Joseph Fourier, qui lui écrit:

 

"J'ai suivi avec un grand intérêt les rencontres que vous avez organisées sur la civilisation américaine, et je vous suis très reconnaissant pour les informations ainsi recueillies. Il n'est pas compréhensible, compte tenu de l'importance vitale pour tout citoyen de l'Europe et du monde de comprendre les ressorts cachés de l'empire américain qui aspire à réguler nos vies, que l'université française ne se donne pas les moyens de pérenniser vos travaux et de les rendre accessibles au plus grand nombre. Je participerai volontiers aux actions de solidarité que vous jugerez bon d'organiser."

Cette affaire (peut on la qualifier de "stendhalienne"?) est en passe de connaître des développements inattendus. Face à la politique malthusienne du gouvernement français, qui refuse d'accorder aux universités des crédits suffisants pour mener leurs activités de recherche, face aux manœuvres mesquines des courants conservateurs qui, pour des raisons insignifiantes, mettent en cause la liberté de recherche et les ouvertures internationales, une véritable solidarité transnationale du service public universitaire se manifeste à cette occasion. C'est en effet l'université de Californie à San Diego qui a offert provisoirement l'hospitalité de son serveur au professeur Feeley, en attendant que le site du CEIMSA puisse être réimplanté sur le campus de Grenoble. Les étudiants grenoblois peuvent donc à nouveau consulter cette source documentaire en se branchant sur un serveur du service public universitaire californien, où ils trouveront le site du "CEIMSA IN EXILE"... Voici l'adresse, pour ceux de nos lecteurs qui s'intéressent à la société et à la

civilisation des Etats Unis:  <http://dimension.ucsd.edu/CEIMSA-IN-EXILE/index.html> .


Espérons que cet avatar renforcera les relations universitaires entre les campus de Grenoble et de Californie, une conséquence sans doute inattendue pour le président Chézaud et son équipe...

Marc Ollivier