THE CEIMSA DOSSIER
UNIVERSITE STEHDHAL-GRENOBLE 3
(2005)
Article
publié par SNCS-FSU à Paris le 14 avril 2005
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SNCS-FSU |
http://www.sncs.cnrs-bellevue.fr/article.php3?id_article=141 |
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Mis en ligne le 14 avril 2005 - par Marc Ollivier,
Membre du bureau national du SNCS |
La
pénurie des moyens associée
aux résurgences du
mandarinat conduisent à détruire des capacités de
recherche dans les
universités. Illustration à travers un exemple
désastreux à l’université
Stendhal de Grenoble : la « mise en
extinction » du Centre
d’études des institutions et des mouvements sociaux
américains créé par
le professeur Francis Feeley.
Il suffit
de rapporter les faits pour comprendre la gravité des
événements.
En
2000, Francis Feeley, maître de conférences à
Strasbourg, postule pour un poste
de professeur dans les universités de Tours, de Strasbourg et de
Grenoble. Il
est classé premier par les trois commissions de
spécialistes et choisit
Grenoble où on lui promet la possibilité de créer
un centre de recherche. Il
crée le CEIMSA et pendant cinq ans, développe son
enseignement sur la
civilisation nord américaine à tous les niveaux du
cursus, y compris le
doctorat, et fait de son centre un pôle d’activités de
recherche en
réseau au niveau international, par un emploi très
dynamique des nouvelles
technologies, capable d’organiser des conférences annuelles
fréquentées
par les plus éminents spécialistes européens et
américains de la gauche
américaine (radicaux, libéraux -au sens américain-
, marxistes,
altermondialistes, etc...).
Décembre
2003, le ministère de
Mars 2004, après un changement de l’équipe présidentielle à Stendhal, plus question de délai : le conseil scientifique ne renouvelle pas la modeste subvention accordée annuellement au CEIMSA depuis sa création, en arguant de la décision ministérielle. Francis Feeley demande à intégrer l’ILCEA (1).
12
juin 2004, après trois mois de silence, il reçoit de
Michel Lafon, directeur de
l’ILCEA, une lettre de refus d’intégrer le CEIMSA dans sa
fédération d’équipes de recherche, au motif que
« son fonctionnement
très atypique ne me semble pas compatible avec le
nôtre ». Notons ici que
l’ILCEA affiche une compétence
« couvrant
des aires géographiques qui englobent, au-delà de
l’Europe, les mondes
anglo-américain et hispano-américain » et
qu’il ne comporte aucun
centre de recherche sur le monde anglo-américain, qui est
précisément le
terrain de compétence du CEIMSA, seul à Grenoble dans ce
domaine... Dans sa
lettre Michel Lafon ajoute : « J’en profite pour
t’informer que nous t’enverrons prochainement, le Président et
moi,
une lettre prenant acte de "l’extinction" du CEIMSA et te
demandant d’en tirer toutes les conséquences institutionnelles.
Amitiés,
Michel ».
28
juin 2004, au lieu de la lettre annoncée (qui ne lui est jamais
parvenue)
Francis Feeley reçoit une lettre d’une autre
vice-présidente de
l’université, Odile Lagacherie, qui lui annonce :
« Conformément à la décision du Conseil
scientifique du 23 mars 2004,
concernant le CEIMSA il ne sera plus possible que le site
institutionnel
héberge votre site, à compter du 1er juillet,
conformément à la décision du
président de l’Université ».
1er
juillet 2004, les 4000 pages du fonds documentaire du CEIMSA sont
radiées du
serveur de l’université Stendhal. Cette décision
entraîne de graves
conséquences pour les travaux de Francis Feeley et pour ses
étudiants, coupés
de leur documentation et incapables de terminer leurs mémoires.
Elle interrompt
un cours délivré à des étudiants
américains à la demande de l’université
du Texas, et entraîne de nombreuses protestations de la part de
chercheurs et
de personnalités européennes et nord américaines.
Sans succès.
Septembre
2004, pour pouvoir poursuivre son enseignement et ses activités
de recherche,
Francis Feeley accepte l’offre de l’université de Californie
d’héberger ses fonds documentaires sur un serveur du service
public
universitaire à San Diego (2).
Décembre
2004, pour pouvoir continuer leur thèse les doctorants de
Francis Feeley et
lui-même doivent inscrire leurs activités de recherche
dans un centre de
l’université de Chambéry.
3 Mars
2005, des étudiants et doctorants grenoblois créent un
Comité de soutien
« pour que soit rétabli l’accès public
à la documentation du CEIMSA
sur le serveur de l’université Stendhal et que les
activités de recherche
du centre continuent » et organisent une conférence
de presse pour faire
prendre en compte leurs
demandes (3).
Dans
cette affaire, on peut parler d’une « spirale de
l’échec ». Côté Ministère on
refuse de reconnaître la liberté de
recherche dans les universités. Au niveau de
l’université, on viole allègrement
toutes les procédures, pour camoufler des règlements de
compte personnels ou
exercer une censure idéologique : en effet seul le Conseil
d’administration est habilité à fermer un centre de
recherche ;
d’autre part aucune évaluation scientifique du CEIMSA digne de
ce nom
n’a été organisée ; et faire
disparaître tous les résultats de ses
travaux sur le serveur de Stendhal est une violation flagrante des
missions de
l’université...
En
définitive c’est un potentiel scientifique en plein essor qui
est saccagé,
au détriment de la communauté universitaire et de tous
les utilisateurs de ces
résultats de recherche, en France et ailleurs... Un
gâchis. On comprend
pourquoi de nombreuses oppositions se manifestent face aux exigences
des
Présidents d’université de mettre toutes les formations
de la recherche
publique sous leur tutelle...
Notes et références :
1.
Institut des langues et cultures d’Europe et d’Amérique
dirigé par
Michel Lafon, vice-président de l’université Stendhal en
charge de la
recherche depuis le changement de Président.
2.
http://dimension.ucsd.edu/CEIMSA-IN-EXILE
3. Pour
contacter ce comité,
s’adresser à Julia Hébert Perceval <
Loulasavage@aol.com >
Une documentation précieuse
Les
fonds documentaires constitués et mis à disposition du
public du CEIMSA étaient
déposés sous la forme d’un site web sur le serveur de
l’université
Stendhal jusqu’au 30 juin 2004. Après cette date, les
données ont été
éliminées du serveur sur ordre de la présidence de
l’université. Pour
apprécier le caractère scandaleux de cet ordre, il faut
donner un aperçu du
contenu de ces fonds documentaires, répartis en trois sources
principales :
1°/ colloques, conférences et événements de formation et de recherche organisés par le CEIMSA depuis 2001.
Compronant les actes de la conférence organisée en janvier 2002 sur « L’impact des multinationales américaines sur la société », préparés et publiés sur ce site avec un financement de la région Rhône-Alpes. Cette conférence rassemblant 1200 participants a comporté 25 ateliers dans lesquels ont pu s’exprimer plus de 48 scientifiques de diverses universités françaises (Grenoble, Lyon, Paris...) et étrangères (Padoue, Minsk, Amsterdam, Géorgie, Illinois, Pennsylvanie, San Diego, Boston, New Orléans, Berkeley). L’accès direct à toutes ces communications était à elle seule une ressource scientifique précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la civilisation américaine dans ses aspects économiques, sociaux et politiques, sur le sujet traité par la conférence.
On
trouvait aussi l’exposé « les interventions
militaires des
Etats-Unis d’Amérique dans une perspective
historique » de
l’historien américain Howard Zinn présenté lors
des journées
d’étude des 5 et 6 mai 2003, des articles originaux
écrits par des
universitaires américains collaborateurs du centre, notamment
par le professeur
Bertell Ollman de l’université de New York, ainsi que onze
essais
sélectionnés rédigés par des doctorants du
professeur Feeley sur des thèmes
relevant de la politique extérieure américaine depuis
1946.
2°/ Informations rassemblées régulièrement tout au long des activités pédagogiques et de recherche au CEIMSA depuis 2001.
Cette
partie reflétait la richesse des échanges scientifiques
et des événements liés
à la vie quotidienne d’un collectif de travail composé
d’étudiants,
d’enseignants-chercheurs et de chercheurs communiquant entre eux
à propos
des faits d’actualité, des publications importantes, des
difficultés et
des succès rencontrés par ce collectif. Elle comprenait
deux sous-ensembles.
D’une part une série de 174 « bulletins »
publiés à
l’intention du réseau des 400 « correspondants
internet » du
CEIMSA au cours des années 2002 à 2004. Il s’agit de
chroniques croisées
publiées deux ou trois fois par mois informant
simultanément des événements
locaux vécus par le centre et des faits notables de
l’actualité aux
Etats-Unis. Dans chacun de ces bulletins originaux on pouvait trouver,
après
une introduction du professeur Feeley, de un à quatre papiers
rédigés
principalement par des chercheurs américains et proposés
au CEIMSA par des
spécialistes des études américaines aux
Etats-Unis. D’autre part une
série de 25 « Newsletters »
publiées par le professeur Feeley au
cours de la même période pour présenter chacune une
sorte de mise au point sur
une question particulièrement importante ou significative.
L’ensemble de
ces documents sont absolument originaux et constituent une source
d’informations unique et très vivante.
3°/ mise à disposition raisonnée de sources documentaires pour les étudiants, les enseignants et les chercheurs.
Le professeur Feeley a créé pour cela 19 ateliers thématiques sur Internet, chargés de rassembler cette documentation sous le contrôle scientifique de 51 collègues universitaires, principalement en France et aux Etats-Unis. Citons parmi eux - Serge Halimi, Susan George, Michael Parenti (Berkeley), Christian Leblond, Mohamed Benrabah (université Stendhal), Richard DuBoff (Bryn Mawr College), Christian de Montlibert (Strasbourg), Edward Herman (Pennsylvania), Michael Albert (Z magazine Boston) etc... Ces 19 ateliers ont ainsi rassemblé 282 articles accessibles en ligne, classés par thèmes en fonction des programmes de recherche du CEIMSA. Ces textes sont d’origines très diverses (ouvrages, publications scientifiques, articles de journaux spécialisés, etc...) et constituent une ressource documentaire inappréciable pour tous ceux qui s’intéressent à ce domaine de recherche.