Multinationales et agrobusiness

 

Professeur émérite Christian de Montlibert

Université Marc Bloch

Juin 2020

 

 

 

 

« Dans l’agriculture moderne, de même que dans l’industrie des villes, l’accroissement de productivité et le rendement supérieur du travail s’achètent au prix de la destruction et du tarissement de la force de travail. En outre chaque progrès de l’agriculture capitaliste est un progrès, non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroitre sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. [1]» Karl Marx, Le Capital.                    

 

  Les pandémies un fait social construit

             L’épidémie du coronavirus n’est pas la seule qui ait endeuillée des populations. Comme toujours, on ne peut comprendre la dynamique de diffusion qui la caractérise qu’en joignant ce que discours politiques et discours médiatiques disjoignent en nous présentant chaque épidémie comme un phénomène isolé. En réalité le corona virus rejoint  le SRAS, la grippe aviaire, la grippe porcine, l’Ebola, le H1N1, le MERS-CoV, etc. La succession des épidémies en séries rapprochées montre bien qu’il s’agit bien là d’un « fait social »  qui, comme tout fait social est le résultat d’une construction sociale! Savoir que le virus entraine plus probablement la mort de personnes déjà fragilisées avec des corps vieillis, usés par le travail, par les conduites à risque (tabac, alcool …) qui permettent d’oublier temporairement les conditions de vie pénibles, par l’obésité de la « malbouffe » et de la sédentarité,  renforce l’idée qu’il s’agit bien d’un fait social. Mais comprendre ce « fait social », demande, d’abord, et, autant qu’il soit possible actuellement, de formuler des hypothèses plausibles, de « rechercher la cause déterminante parmi les faits sociaux antécédents ». Pour ce faire il faut aussi s’écarter définitivement des « monstres » qu’ont créé les médias en répétant à longueur de journée le nombre de morts que le Covid19 engendrait et aller au-delà de la « propagande » propre à légitimer la politique d’un Etat dont tout semble montrer qu’il profite de la pandémie pour augmenter son pouvoir de contrôle[2].

 

 « La nature est historique » Karl Marx

 

 La pandémie, on le sait maintenant, ne peut pas être pensée hors du rapport aux animaux sauvages[3] qui, eux-mêmes, dépendent de l’organisation sociale du monde rural[4] et,plus précisément, de l‘organisation de l’agriculture. Tout se passe comme si la déforestation (pour planter des palmiers en vue de la récolte d’huile, pour exploiter les gisements minéraliers qu’elle cachait, pour exploiter des espèces de bois particulières, pour, plus simplement, y tracer des routes ou  pour récupérer des espaces pour l’agriculture …)   libérait des virus[5] que les cycles forestiers,  avec leurs écosystèmes très spécifiques, conservaient en quelque sorte[6]. Cette diminution des espaces forestiers réduit  non seulement le nombre d’animaux sauvages mais aussi leur espace de vie. Dans ces conditions leur rapprochement des zones habitées est accentué. Lorsque  l’espace des animaux sauvages commence à se réduire comme peau de chagrin, les occasions de contacts des espèces animales sauvages avec les espèces d’animaux domestiqués et avec l’espèce humaine deviennent plus nombreuses. Une étude récente montre bien  que les pratiques agricoles contemporaines rapprochent l’espèce humaine des animaux susceptibles de porter des virus[7] : pire les espèces d’animaux sauvages  menacées dans leur mode de vie et leur habitat seraient porteuses de deux fois plus de virus que les espèces non menacées. Comme l’écrivent les auteures de cette étude : les déforestations, les extensions des espaces cultivés mais aussi « les empiètements sur la biodiversité accroissent le risque d’un débordement d’une nouvelle infection en augmentant la probabilité de contacts entre les humains et la faune sauvage ». Tout se passe  donc comme si la diminution du nombre d’espèces, le raccourcissement de la durée de vie de animaux, la standardisation de l’exploitation des produits agricoles avait  pour effet d’accélérer la circulation des virus que la variété des forêts, des plantes et des animaux et la symbiose des pratiques agricoles et des pratiques d’élevage, dans  des régions elles-mêmes fortement différentiées, ralentissaient et même absorbaient[8], [9].

 Les transformations de l’exploitation des sols n’affectent pas seulement les animaux  et la flore sauvage mais aussi et avant tout les habitants des zones rurales concernées qui avaient développé au cours des siècles  des variétés de plantes et  des modalités d’élevage qui leur avaient permis de s’adapter aux variations climatiques[10]. Nombre d’entre elles  sont obligées de se déplacer vers les agglomérations urbaines dans l’espoir d’y trouver un revenu et parfois n’ont d’autres possibilités que d’émigrer. Le développement de cette agriculture industrialisée entraine partout où elle achète ou loue des terres une expropriation des paysans  qui vivaient là  et concomitamment un déracinement  des populations pressées à acheter les produits de cette nouvelle industrie agro alimentaire. En somme animaux et hommes sont chassés de leur habitat séculaire.

 

  I-Des origines de l’épidémie de Covid19 

 Pratiques chinoises

          Le virus serait, dit-on, né en Chine sur un marché. Il y a de fortes probabilités pour que le virus porté par des chauves-souris ait contaminé des pangolins vendus sous l’étal des marchands de poissons[11].  La transformation très brutale des  conditions de vie des ruraux aurait-elle précarisé les chasseurs d’animaux sauvages au point que, pour, survivre, ils aillent attraper des animaux que, jusqu’alors, l’expérience populaire accumulée avait interdits ? Ou, autre possibilité, la construction des mégapoles et surtout la mise en place de fermes d’agro-business aurait-elle fait disparaitre les habitats des animaux jusqu’alors consommés, ce qui obligerait à chercher ailleurs des espèces proches dont on ne connait pas les propriétés ?[12] Ou encore les cuisiniers des marchés populaires, souvent plus ou moins clandestins, souvent des chômeurs pratiquant des petits métiers, auraient-ils raccourci les temps de cuisson ou diminuer les températures de cuisson pour augmenter leurs gains? Ou - mais cette possibilité est compatible avec les précédentes - pourquoi les capacités physiologiques[13] des populations rurales migrantes chinoises transplantées rapidement dans des environnements très pollués n’auraient elles pas été modifiées[14] créant une fragilité des muqueuses,  permettant au virus, ayant muté en investissant l’espèce humaine[15], de s’installer ?

 Sous jacents à ces pratiques, que seule une observation minutieuse pourrait décrire, mais qui les déterminent et les expliquent, on trouve à la racine du « fait social épidémique » les conditions de transplantation d’une population paupérisée dans les espaces urbains et, cause parmi d’autres de cette migration, une politique d’organisation industrielle de la production de la nourriture avec la création d’un agro-business pratiquant une agriculture rationalisée pour nourrir la population  salariée urbanisée. Les élevages industriels de volailles et de porcs[16],  les fermes laitières géantes (plus de 1000 vaches), les grandes exploitations de céréales ou de légumes ont récemment prospérés. Des firmes chinoises puissantes (New Hope Group, CITTIC, par exemple, ont passé des accords avec des multinationales étrangères comme Bayer Crop Science,  Cargill, Wilmar et Charoen Pokphand, le Japonais Itochu…pour exploiter les terres en Chine. Des sociétés chinoises cherchent aussi à s’implanter dans d’autres régions du monde  au Brésil, en Argentine, en Australie, en Angola, en Nouvelle Zélande etc. soit en achetant des sociétés existantes comme celle du plus grand producteur de porcs étatsunien  -Shuanghui International a racheté le plus gros producteur de porc mondial, Smithfield Foods en 2013 avec le soutien financier de la Banque de Chine, de Goldman Sachs et de Temasek Holdings,  soit en prenant des participations dans des sociétés d’agrobusiness étrangères : le China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation Group, qui appartient à l’État et est le plus grand transformateur, fabricant et négociant de denrées alimentaires de Chine a pris récemment une participation majoritaire dans l’entreprise hollandaise Nidera et dans l’entreprise Singapourienne Noble, deux des plus grands négociants en céréales et en oléagineux de l’Amérique latine. Ces prises de participations et fusions acquisitions profitent aux banques  dont Wall Street Goldman Sachs et le fonds souverain de Singapour, Temasek Holdings ainsi qu’aux sociétés de capital-investissement dont  l’américaine KKR[17] . Ces achats transforment totalement les conditions d’existence de millions de paysans chinois et entrainent une paupérisation et une émigration vers les villes soit en supprimant leurs exploitations fermières, soit en ne leur permettant pas de concurrencer les aliments produits à l’étranger par des salariés moins rémunérés qu’ils ne l’étaient. Ces transformations sociales trouvent, en Chine,  leur origine dans les variations de la politique du parti communiste.

Reste que la politique chinoise[18], à l’inverse de la paupérisation et de la bidonvilisation d’Amérique, comme à Buenos Aires, à Bogota, à Sao Paulo, à Haïti, à Mexico…, de certaines régions d’Asie comme à Manille, à Mumbaï, à Bangkok, à Calcutta… ou d’Afrique comme au Sénégal, au Ghana, au Nigeria, en Côte d’ivoire, en Egypte ou au Soudan ou le long du périphérique nord de Paris etc.[19] a permis d’améliorer la situation misérable de millions de chinois avec une augmentation sensible des salaires ouvriers, une construction de logements et une scolarisation intense, des équipements collectifs nombreux. Malgré cela le sous-emploi rural demeure et entraine une migration temporaire ou saisonnière vers les villes de plusieurs millions de personnes (environ 28 millions), y faisant coexister population rurale paupérisée et population urbanisée , voisiner des espaces  modernes et des habitats dégradés, des petits métiers de débrouille et des situations sous contrôle sanitaire, des représentations du monde et de soi (croyances dans les vertus magiques de substances animales par exemple) qui peuvent être totalement opposées aux représentations plus rationnelles d’urbains plus longuement scolarisés. Ces dimensions psycho sociales, amplifiées par des conduites à risque plus fréquentes[20], rendent compte des hausses des taux de mortalité que l’on constate aussi  ailleurs, par exemple en Louisiane, Etat où la pauvreté est accentuée et dans la région désindustrialisée de Detroit où un chômage de masse, dont on sait qu’il est désorganisateur de la psyché, sévit[21]. L’émigration rapide liée à une paupérisation entraine toujours, avec des degrés variables selon les politiques qui l’accompagnent, une désorganisation  des habitus et des discordances des structures temporelles qui ne peuvent pas demeurer sans effets sur les corps[22]. Il est vrai que   les migrations des campagnes vers les villes, que l’on doit constater chaque fois qu’il y a industrialisation, transformations de l’agriculture et urbanisation, qu’elles soient politiques comme cela a été le cas en URSS[23] ou en Chine, qu’elles résultent d’application du droit de propriété de la terre comme dans l’Algérie colonisée[24] ou de l’industrialisation capitaliste comme dans la France ou la Belgique de la fin du  XIX e siècle par exemple , entrainent toujours du sous emploi[25], de la misère et des transformations des « mœurs de famille »[26]comme les appelait Karl Marx. Phénomènes qui, dans des pays de forte densité démographique, prennent des proportions importantes. 

Examiner les pratiques  chinoises permet de comprendre que l’origine de l’épidémie n’est pas née d’une pratique isolée mais se révèle être l’élément saillant d’un ensemble dont la structure et l’origine  dépassent de beaucoup la consommation d’une chauve souris ou d’un pangolin. Ce qui est arrivé en Chine pourrait fort bien se produire en Afrique ou en Amérique latine ou en Asie du Sud-Est  avec le passage d’un virus d’un animal sauvage à un animal domestiqué.   Cela a été le cas, en 2012 au Moyen Orient,  avec le passage du virus MERS-CoV au chameau, et , en Europe, avec le passage d’un virus au sanglier  pouvant transmettre la peste porcine aux porcs d’élevage. Ce qui est en cause, là, concerne les transformations du rapport à la nature et, sous-jacent, la domination sur des populations qui, jusqu’alors, avaient connu des modes de vie communautaires[27].

 

Un agro busines triomphant

               La nature naturelle n’existe pas : « la nature  est  historique », comme le disait déjà Marx[28]. Elle est sans cesse transformée par les rapports de production et produite par ces rapports. Pour le dire autrement le capitalisme s’est emparé de la nature. Pour en arriver là il aura fallu transformer totalement les paysanneries qui s’étaient adaptées aux contraintes géographiques locales  en y adaptant leurs pratiques; les rapports avec la flore et la faune sauvage en  ont été complètement modifiés. Le constater en même temps qu’est constatée la disparition des modes de vie précapitalistes des sociétés rurales et même la réduction des possibilités d’existence  de la petite paysannerie européenne conduit à penser que virus et bactéries (la méningite bactérienne qui a frappé l’Afrique de l’Ouest par exemple) sont insérés dans des chaines de relations. Dans ces conditions la circulation des épidémies ne peut pas être pensée indépendamment de la mondialisation et des formes qu’elle prend en matière de production alimentaire et de production chimique destinée à l’agriculture etc.… d’une part, ainsi que des formes que prennent les politiques étatiques en la matière d’autre part. L’extension de l’agrobusiness, l’intensification de la rationalisation industrielle de production alimentaire et des pratiques sociales qui accompagnent  la « dépaysannisation » contribuent à leur manière à expliquer le passage des virus et bactéries du réservoir de la faune sauvage à la chaine animale domestiquée et à l’espèce humaine. Le fait social est là dans la domination des firmes capitalistes des pays dits « avancés » sur les sols souvent d’usage communautaire de populations obligées à la migration et/ou à rompre avec leur mode de vie. Le même processus qui affecte la vie des animaux sauvages affecte profondément la vie des populations en les paupérisant et les obligeant à l’émigration vers des villes où l’activité économique laisse espérer des emplois ou, au moins, la possibilité d’exercer des « petits boulots ». 

 

La mondialisation de l’organisation capitaliste ne s’exerce pas seulement, en effet, dans la production d’objets, elle s’exerce aussi sur les éléments qui entrent dans cette production : rien ne le montre mieux que la production alimentaire. L’industrie, premièrement, en s’en emparant, rationalise la production, en assurant un flux continu de matières premières grâce à l’anéantissement de formes précapitalistes de paysannerie traditionnelle et son remplacement par un agro-business –qui, en étendant la surface des champs pour utiliser des machines toujours plus puissantes et plus rapides, élimine mares, fossés, haies, bosquets et bois…- Le capitalisme alimentaire, deuxièmement, assure aussi la standardisation des produits en sélectionnant une espèce qui s’adapte mieux aux exigences du commanditaire industriel : il y avait, dans les années cinquante, au moins 48 variétés de vaches en France, en Allemagne on en comptait une vingtaine, près de 40 en Espagne, aujourd’hui l’industrie alimentaire n’en utilise guère plus que deux ou trois pour la production de viande, deux issues de sélections répétées pour la production laitière et trois ou quatre pour la production de veaux de boucherie . L’industrie, troisièmement, assurant enfin le contrôle de la reproduction des espèces sélectionnées par un raccourcissant des cycles naturels ( l’insémination précoce permettrait un  gain économique, un gain de temps de travail, une  accélération du « progrès génétique » au sein du cheptel) au risque d’une fragilité devant des maladies : on comptait  il y a peu encore une dizaine de  variétés de porcs alors qu’aujourd’hui celles qui sont élevées pour la consommation de masse sont obtenues par des croisements successifs et par des sélections jusqu’ au résultat désiré d’une ou deux espèces prolifiques dont la prise de poids est rapide.  Des sociétés de conseil se sont d’ailleurs développées pour aider les paysans dans cette transformation qui demande aussi de définir et de contrôler les nourritures à même d’assurer « la fidélité de la standardisation  du matériau » donc de développer des cultures de plantes à leur tour standardisées.

Mais s’emparer de la transformation industrialisée des produits agricoles en aliments comme le fait le capitalisme n’a de sens qu’en créant un marché où se réalise le profit : pour ce faire la production de nourriture, qui était, relativement, restée dans la sphère des « mœurs de famille »[29], devait être extériorisée (conserves, produits surgelés, plats préparés, restauration …). Reste que le marché n’existe pas en soi, il n’a d’existence qu’autant qu’il est pris, inséré, relié aux systèmes de relations sociales existant à un moment donné.

Dans les années soixante, soixante-dix – période durant laquelle s’accélère et s’étend la marchandisation d’une nourriture industrialisée[30] - d’extension de surface cultivées en rationalisations, de rationalisations en sélection des espèces végétales et animales, la chaine de production alimentaire connait  donc  une expansion  qui se continue aujourd’hui. L’observation de Marx qui notait que  « l’anéantissement de l’industrie domestique du paysan peut seul donner au marché intérieur d’un pays l’étendue et la constitution qu’exigent les besoins de la production capitaliste »[31] vaut, à fortiori, pour aujourd’hui où l’extension du salariat exige aussi  l’extension du marché des produits alimentaires donc la rationalisation de la production agricole. Dès lors la mise en place d’une agriculture industrialisée était initiée. Comme cette industrialisation ne saurait se passer de matières brutes, elle donne lieu à la formation d’une nouvelle classe d’exploitants agricoles, les firmes d’agro-business,  pour lesquelles  la production d’une agriculture destinée à la production capitaliste provenant de toutes les parties du monde exploitables,  devient essentielle. Cette production rationalisée de produits agricoles destinés à l’industrie alimentaire détruit certaines formes d’agricultures (la paysannerie) et la remplace par d’autres (agro business de production de céréales, de viandes de  boucherie, de production de lait,  de poissons etc.[32]). L’agrobusiness est une nécessité pour créer des salariés et ainsi des consommateurs !

 

Circulation des virus et mondialisation

Reste à expliquer la rapidité de la diffusion du virus de son point de départ chinois vers l’Asie du Sud d’abord puis vers l’Europe occidentale et vers les USA puis vers les continents sud américain et africain. Tout se passe comme si l’intensité et la rapidité des échanges de marchandises et de communications avaient augmenté la diffusion du virus[33]. La carte des premiers clusters épidémiques qui correspond étroitement  à la carte de l’intensité de la circulation aérienne et maritime le montre bien : plus de 24 000 avions commerciaux (transportant des passagers) parcourent le monde. En 2018, ces avions ont réalisé plus de 38 millions de vols vers l’un des 3 500 aéroports. 9 milliards de tonnes de marchandises sont transportées par bateaux ; le transport maritime représente 80% du transport mondial. En 1973 289 926 navires transportaient des marchandises, 1 040 000 navires en 2011. C’est dire que la mondialisation contribue à la diffusion de l’épidémie.

 

La mondialisation des intérêts économiques, autre manière de dire extension sans limite du capitalisme (l’envahissement de l’espace céleste par les satellites starlink  d’Elon Musk, déjà concurrencés par ceux d’Amazon et de Greg Wyler,  en étant un  bel exemple) est, en effet, le seul secteur des pratiques sociales où la « globalisation » soit très avancée. La mondialisation  de plus en plus rapide et  de plus en plus intense des échanges commerciaux  est organisée par des rapports de domination nés dans les structures sociales du capitalisme  La pandémie actuelle, parce qu’elle amplifie la crise en arrêtant, temporairement, la course, est en quelque sorte un révélateur de ces rapports de domination en objectivant, à la fois et en même temps, les méfaits  environnementaux et sociaux de la mondialisation capitaliste et la nécessité pour le capital d’augmenter les profits en s’étant emparé de la  chaine de production alimentaire. De fait la mondialisation capitaliste transforme morceaux par morceaux la réalité des pratiques : ici en diminuant la place de l’Etat, ailleurs en soumettant la production de la pensée à des orientations utilitaristes, là en réduisant le droit du travail, ailleurs en créant « une armée industrielle de réserve » qui pèse à la baisse sur le niveau des salaires , ailleurs encore en exploitant une main d’œuvre abondante tributaire de salaires faibles et , partout, en transformant toutes les pratiques sociales et tous les biens collectifs sans propriétaire en objets aliénables amplifiant ainsi les inégalités entre les classes sociales.

 

2- multinationales, division du travail et mondialisation

 

 Une mondialisation organisée

Si les discours font constamment l’apologie de la mondialisation c’est qu’ils masquent la seule réalité vraiment en cours de réalisation, celle du champ économique et, en particulier, celle du champ financier. Ils contribuent efficacement, en faisant croire à l’inéluctabilité de la mondialisation et surtout à ses avantages, à masquer le fait qu’une petite minorité de propriétaires du capital industriel et commercial et de financiers internationaux, parmi lesquels les dirigeants des fonds de placement des Etats-Unis tiennent une grande place, imposent leurs volontés aux salariés des différentes parties du monde. Cette mondialisation dépend, en effet, d’une part des transformations du mode de gestion avec l’accentuation du pouvoir des actionnaires et d’autre part de l’intervention des Etats qui,  avec leur politique économique, remettent en selle le capitalisme chaque fois qu’il est menacé par ses propres excès. Dans ces conditions les différents univers (intellectuel, politique, artistique, religieux etc.) sont dominés par ce monde particulier qui, en  s’imposant comme référence et en affirmant ses codes et ses normes, réduit ainsi leur autonomie. Pour le dire autrement les différentes pratiques sociales sont plus ou moins soumises au champ financier international qui, en rétrécissant la part de liberté qu’entraîne la coexistence d’univers ayant leurs propres règles de fonctionnement, impose une domination qui présente toutes les caractéristiques d’un totalitarisme. On ne peut, en effet, que constater que la diffusion politique d’un mode de domination économique basée sur la déréglementation (visant à créer des marchés concurrentiels là où existaient des régulations garanties par des institutions d’Etat)  et sur la financiarisation (visant à permettre aux actionnaires de prendre toutes les décisions favorables à l’accroissement de leur profit au détriment des investissements des entreprises et du niveau des salaires) est l’élément déterminant de la transformation de toutes les structures sociales. Comme ce système s’est propagé des USA vers l’ensemble des pays européens et des Etats qui en dépendent   on doit bien admettre qu’il s’agit, au départ, d’une manifestation de la domination des Etats-Unis, ce qu’en d’autres temps on aurait appelé  l’impérialisme  nord-américain. Plus précisément il s’agit d’une « universalisation des caractéristiques particulières d’une économie immergée dans une histoire et une structure sociale particulière, celle des Etats-Unis. »[34] Dans  ce cadre les économies des pays en voie de développement soumises aux « plans d’ajustement structurel » ont été obligées de mettre à mal leurs marchés domestiques et concomitamment tous les modes d’organisation sociales qui les structuraient[35] sachant que leur endettement (le plus  élevé jamais atteint avec 67 000 milliards de dollars - Cnuced 2019 -) les soumet au pouvoir des préteurs.

           Ce sont bien les Etats et les organismes internationaux qui exécutent leur volonté qui ont permis cette mondialisation financière qui, à son tour, organise le développement d’un champ économique international qui impose ses orientations aux peuples dépossédés de tout contrôle politique.  Et ceci depuis les débuts mêmes du capitalisme : à l’arrière pays rural d’abord puis aux peuples colonisés ensuite et maintenant à l’ensemble de la planète en attendant de s’implanter dans d’autres mondes. Les travaux de Lénine et de Rosa Luxemburg sur l’accumulation du capital et le développement de l’impérialisme, menés avant la première guerre mondiale, montrent on ne peut mieux que cette question apparaissait comme centrale aux militants politiques qui pensaient pour l’une que la guerre en était le débouché probable et pour l’autre que la concentration du capital atteindrait un point tel qu’elle entrainerait son « élimination ».  Aujourd’hui Il suffit pour  comprendre  l’intrication entre les politiques étatiques et les politiques économiques de rappeler que,  progressivement, les divers mécanismes de contrôle et de régulation ont été démantelés ; aux USA  a été voté le Financial Services Modernization Act  qui abrogeait les dispositions de contrôle des activités financières mises en place après la crise de 1929. Reste qu’une extension du capitalisme à l’agriculture, n’a pu se réaliser qu’avec la création en 1948 du GATT (General Agreement on  Tariffs and Trade) et plus tard de l’OMC.  Le Fonds monétaire, FMI, et l’organisation mondiale du commerce, OMC, en effet  n’ont pas été en reste dans cette libéralisation de la finance. Le General Agreement on Trade in Services et le Financial Services Agreement ont contribué à supprimer toutes les régulations. Les Etats européens, de leur côté, soutiennent « une concurrence libre et non faussée » qui n’est pas non plus pour rien dans la  dérégulation et déréglementation  de l’économie. Les Etats contribuent aussi à réparer les défaillances du système comme le montre le fait que le 2 avril 2009, se soit terminé le sommet du G20 (regroupant les vingt chefs d’Etats les plus puissants de la planète) qui a  tenté, en réorganisant le cadre réglementaire pour que les « marchés » fonctionnent au mieux, de renflouer un capitalisme menacé de faillite par une spéculation financière désordonnée et sans limites. En somme la domination économique des tenants du néo-libéralisme ne peut durer qu’autant qu’elle est à même d’imposer la mondialisation.  

        Cette mondialisation du capital entraine une réorganisation géographique des positions sociales d’une part et une transformation de leur organisation symbolique. Réorganisations géographiques d'abord avec les déplacements de populations plus ou moins appauvries, si ce n'est affamées, par les conséquences des plans d'ajustements structurels du FMI, vers les zones plus favorisées.  Réorganisations sociales, ensuite, là où les gouvernements promeuvent des législations qui visent à « maîtriser » l'immigration si ce n'est à s'en protéger en érigeant de véritables forteresses  quitte,  en même temps,  à favoriser l’émigration ; ailleurs, quand les flux migratoires internationaux sont impossibles ou interdits, les déplacements de populations paupérisées grossissent les villes  d'une périphérie de bidonvilles ou, au mieux, de banlieues qui disposent de  main d’œuvre à bon marché. Transformations symboliques ensuite, dans la mesure où les tenants du pouvoir savent mieux que quiconque reconvertir leurs anciennes manières de faire en compétences nouvelles plus à même de leur permettre de  dominer l'international. Comme le dit Anne Catherine Wagner[36] il n'y a pas, pour les élites, à choisir entre une consécration nationale ou une reconnaissance internationale : la légitimité internationale vient toujours s'ajouter à l'excellence nationale confortant ainsi les positions dominantes en  leur permettant de maîtriser la mondialisation.

 

Les multinationales  et les fusions-acquisitions

Les multinationales sont nées de processus de fusions-acquisitions qui se sont accélérés après la déréglementation financière organisée, dès 1981, par le gouvernement Reagan et, en France, dès 1986, par les mesures Bérégovoy. Restent qu’elles sont plus anciennes comme le notait Lénine dans son étude des fusions bancaires et des acquisitions par les banques d’activités industrielles à la fin du XIX e siècle et au début du XXe[37]. Rien ne le montre mieux que les fusions acquisitions dans l’industrie électrique : au début XXe siècle existaient  7 compagnies électriques en Allemagne, cinq en 1905, et deux en 1912. Ces fusions-acquisitions se sont accrues à un rythme élevé depuis 2004, augmentant de 88 % de 2004 à 2005 pour atteindre 716 milliards de dollars. Elles ne se mettent en place qu’avec l’appui des experts des banques et des fonds de placement qui, en dernier ressort, investissent directement dans l’opération ou la financent sous forme de prêts. Comme exemple d’investissement dans l’agrobusiness on peut citer le fonds de placement LMBO qui a créé une filiale Agro Ed qui achète des milliers d’hectares au Bénin, en Guinée, au Mali  pour cultiver une plante destinée à être transformée en carburant, ou l’assureur AXA qui a investi dans un fonds spécialisé dans la location de terres agricoles en Ukraine, ou encore le Crédit Agricole et la Société Générale qui ont mis en place le fonds Amundi  Funds Global   Agriculture pour acheter des terres et le Baring Global Agriculture Fund pour investir dans les sociétés agroindustrielles.

 Cette nouvelle croissance des concentrations financières s’est  notamment opérée grâce à 141 «méga-transactions» d’une valeur supérieure à 1 milliard de dollars, et grâce aux investissements de fond communs de placement[38]. La dimension financière est centrale dans les investissements directs étrangers (IDE) dans la production alimentaire des pays émergents passant, comme le chiffre la Cnuced, de 600 millions de dollars chaque année vers 1990 à 3 milliards de dollars en 2007-2008[39] . Le capital « fictif », comme le dénommait Marx, prélève des bénéfices toujours croissants sur les opérations de fusion-acquisition et sur les émissions de titres qui s’ensuivent[40]. Les multinationales qui résultent de ces processus concentrent un capital financier conséquent (la capitalisation boursière des 100 plus grandes entreprises dépasse les 20 000 milliards de dollars). Ces fusions-acquisitions permettent  une  augmentation  de « la valeur actionnariale » en améliorant la rentabilité des capitaux investis : elles distribuent des dividendes en hausse (en France les dividendes ont augmentés de 47 milliards d’euros en 2017 à 51,8 milliards en 2019 ; dans le monde les 1200 plus grandes entreprises ont distribué 328 milliards de dollars en 2017 soit 14, 5 % de plus que l’année précédente). 

 Les dirigeants des multinationales savent faire appel à, des « cabinets conseils », » cabinets d’experts », « bureaux de consultants » qui prospèrent sur ce type de pratiques en y important et imposant des modes de pensée spécifiques  (Total Quality Managment ; Just in Time ; Business Process ReengineeringEfficient Consumer Response ; Economic Value Added ; Extended Producer Responsability...)car, dans toutes ces opérations de fusion-acquisition, les coûts de changement (difficultés managériales, restructurations  ou  démantèlements  des collectifs, éviction d’anciennes équipes et reconstitutions de nouvelles dévouées, élimination de doublons, inquiétude devant d’éventuels licenciements, création d’une langue et de normes communes...) sont particulièrement élevés. Reste que  toutes ces opérations se soldent par un renforcement du pouvoir des directions.  Il est vrai que ces opérations de fusion-acquisition ne fonctionnent que parce qu’elles comblent la « libido dominandi » des dirigeants qui cherchent à conquérir des espaces, des corps et des idées. La guerre en est  souvent le modèle sous jacent (l’incarcération au Japon de Carlos Ghosn le patron du conglomérat automobile Renault –Nissan l’illustrerait bien).

Cette volonté de pouvoir n’est pas indépendante des rapports entre les Etats ; si à la fin du XIXe siècle quatre pays ( les Etats-Unis, la France, l ’Allemagne et l’Angleterre ) rassemblaient les sociétés les plus puissantes, en 2003, les 750 premières multinationales  étaient issues des USA, de l’Angleterre, du Japon, de l’Allemagne, de la France, de la Suisse, des Pays Bas, de la Suède , du Canada ; en un siècle les USA ont confirmé leur suprématie, les pays européens sont plus nombreux  à dominer le monde, le Japon a pris une place importante.  C’est dire que le capital financier issu des  pays  qui ont dominé le monde est aujourd’hui une des formes qui permet de continuer d’exercer  une emprise sur d’autres  régions.  Les compromis  et même les complicités entre  les dirigeants des plus grandes firmes multinationales et les instances politiques nationales et internationales y contribuent fortement. Les allers et retours entre les unes et les autres sont nombreux comme le sont les subventions offertes par des Etats aux firmes.  Cette extension montre aussi  que l’exportation des capitaux a  accéléré le développement du capitalisme dans les pays vers lesquels elle s’est dirigée, amenant ainsi le capitalisme à s’étendre dans une plus grande partie du monde. Il faut dire que nombre d’Etats des pays émergents  y contribuent en   développant des  politiques de d’implantation  des firmes d’agrobusiness comme  le font, par exemple, d’autant plus les pays d’Afrique de l’ouest qu’ils y sont fortement incités par la Banque mondiale.

Ces multinationales organisent  le commerce international. «  En 1995, l’ONU comptabilisait environ 44 000 firmes multinationales avec près de 300 000 filiales étrangères. En 2005, elle en dénombre 77 000 possédant plus de 770 000 filiales étrangères (Cnuced, 2006). Par leur activité, ces firmes multinationales sont porteuses d’une grande part des échanges entre les pays. Aujourd’hui, les deux tiers du commerce mondial seraient sous le contrôle des 200 premières multinationales (un tiers d’échanges internes entre les unités des groupes et un tiers entre ces groupes et leurs fournisseurs ou diffuseurs externes) (Cnuced, 2002). »[41]  On retrouve, là,  les avions, les bateaux, les camions qui circulent d’un bout à l’autre du monde.

 

Dans le domaine agricole : multinationales d’agro business et firmes alimentaires

 La production agricole est  maintenant dominée par des multinationales  alimentaires. Le phénomène des grandes exploitations du sol est ancien : il débute sans doute avec les grandes plantations esclavagistes au XVII-XVIIIe siècle mais c’est vers 1880  que de grandes fermes se développèrent aux USA utilisant toutes les ressources de la mécanisation et ruinant les fermiers indépendants  à tel point qu’en  1891  deux millions et demi de fermiers avaient hypothéqué leur propriété[42]. Si, au début du processus de fusion acquisition,  il était encore possible de  différencier les firmes d’agrobusiness qui tiraient leurs profits de leur maitrise du marché des intrants et de la production, des firmes alimentaires qui tiraient leurs profits de la distribution et de la transformation,  ce n’est plus guère possible aujourd’hui où les firmes alimentaires ont acquis la production et où les firmes d’agrobusiness ont acquis des  sociétés de transformation et de distribution. Ainsi, le céréalier Cargill achète du soja aux agriculteurs brésiliens pour ensuite l’envoyer en Angleterre vers sa filiale Sun Valley. Cette entreprise "booste" des poulets au soja puis envoie la viande vers les Mac Do du monde entier. C’est dire qu’il y a interpénétration des deux secteurs et construction de monopoles sur l’ensemble de la chaine alimentaire.  Dorénavant l’industrie agro-alimentaire se situe au premier plan de l’industrie manufacturière dans de nombreux pays. À l’échelon de la planète, elle est loin devant l’automobile ou l’électronique[43].

 Ces multinationales de l’agrobusiness contrôlent  les quatre principaux marchés, marché des intrants, marché de la production, marché de la transformation, marché de la distribution. 

Le marché des intrants (semences, engrais, pesticides…) est contrôlé par dix firmes qui  assurent 100% du marché des semences génétiquement modifiées (appelées également "transgéniques") soit: Monsanto (États-Unis), DuPont/Pioneer (États-Unis), Novartis (Suisse), Limagrain (France), Advanta (Angleterre et Hollande), Guipo Pulsar/Semons/ELM (Mexique), Sakata (Japon), KWS HG (Allemagne) et Taki (Japon). Six firmes contrôlent 77% du marché des produits chimiques pour l’agriculture : Bayer, Syngenta, BASF, Dow, DuPont, Monsanto. Pour ce faire ces firmes font appel à la biologie (élaboration de variétés par des sélections et de modifications génétiques) et en particulier à toutes les ressources de la sélection demandant sans cesse que les laboratoires (publics et privés) se convertissent à traiter leurs demandes. Monsanto[44], par exemple,  a déboursé l’année dernière 930 millions de dollars (854 millions d’euros) pour racheter The Climate Corporation, une entreprise de "big data" dont l’application permet aux agriculteurs de recevoir en temps réel des informations agronomiques et météo ultra-détaillées à l’échelle de chacun de leurs champs[45].Les fondations Rockefeller et  Bill & Melinda Gates ne sont pas en reste pour vendre des applications sophistiquées. Le capitalisme numérique sait se joindre au capitalisme agricole !  Il est vrai que tous les Etats mettent  leurs instruments au service des firmes.  Rien ne le montre mieux que les orientations données, en France,  par le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur  et par le ministère de l‘agriculture, aux laboratoires des écoles et de universités de servir l’agrobusiness  . Ainsi ont été créé des instituts techniques agroindustriels, soit des organismes de recherche technologique, d’expertise, d’assistance technique et de formation, au service des entreprises et en particulier des PME.  Les laboratoires de biologie des universités ont d’autant plus de chances d’obtenir des crédits  qu’ils s’inscrivent dans des thématiques proposées par le ministère alors que l’Institut National de Recherche Agronomique, (INRA) a été invité à développer des recherches plus en phase avec les demandes des entreprises alimentaires . La mise en place des  pôles de compétitivité, autour de «projets collaboratifs innovants  recherche » répond au même objectif.  La recherche doit servir l’économie.

 

Les multinationales s’efforcent aussi de contrôler le marché des terres agricoles et de la production avec l’appui des Etats intéressés par les possibilités de domination qui s’offrent là. Au Brésil, le groupe Louis-Dreyfus a pris possession de près de 400 000 hectares de terres destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Ses filiales Calyx Agro ou LDC Bioenergia se sont accaparé des terres en Uruguay, en Argentine et  au Paraguay.  Il achète, achemine et revend du blé, du soja, du café, du sucre, des  huiles, du  jus d’orange (le jus d’orange provient d’une propriété de 30 000 ha au Brésil), du riz et du coton, via sa branche de négoce, Louis-Dreyfus Commodities. Il a ouvert en 2007 la plus grande usine au monde de biodiesel à base de soja, à Claypool, au États-Unis (Indiana)[46].  De leur côté,  Danone et Lactalis, spécialisés dans les produits lactés, Sodexo et Elior, firmes de la restauration, Auchan, Carrefour et Casino, sociétés de la grande distribution, détruisent, la forêt amazonienne, la savane du Cerrado au Brésil et la région du Chaco (Brésil, Argentine, Paraguay) pour y produire du soja. En Asie du sud-est, la production d’huile de palme, de caoutchouc,  de fibres pour la pâte à papier, entraine, de la même façon, des achats de terres et des déforestations. Des luttes nombreuses sont d’ailleurs engagées pour s’y opposer :le groupe  groupe brésilien Benevides Madeiras a été condamné pour déforestation illégale en Amazonie ; au Cambodge, des paysans dépossédés comme les paysans Bunong s’engagent dans des batailles juridiques ; les paysans du Cameroun  luttent contre l’implantation ou la gestion de palmeraies par le groupe Bolloré ; la coordination paysanne au Mali réclame une autre usage de l’eau que celui préconisé par la Société du Niger.. Il est vrai que la production agricole rapporte : comme le faisait savoir la Deutsch Bank « le maïs est plus rentable que l’or ! »

 L’Afrique est mise en coupe réglée. Pour cela la première attaque a été juridique.  Il fallait créer un droit de propriété pour simuler une forme de légalité. Cela avait été le cas en Algérie ( instauration d’un droit de propriété dès 1831, senatus consult de 1863, loi foncière de 1873, loi de propriété foncière de  1897…), comme ce fut  le cas en Afrique de l’ouest où les colonisateurs ont essayé de lutter contre l’usage coutumier des sols en déclarant les terres  qui, à leurs yeux, étaient « non immatriculées » « comme vacantes et sans maitres ». Cette politique n’a guère réussit pour autant à introduire la vente des sols  (1% seulement furent immatriculées dans l‘Afrique de l‘Ouest. Il faudra, deuxième attaque, les injonctions de la Banque Mondiale,  à partir de 1990 environ, (obtempérer était  une nécessité à qui voulait  obtenir un prêt), pour que les Etats indépendants promulguent des législations de « sécurisation »  attribuant la terre à ceux qui l’achètent[47] : Burkina Faso 1996, Côte d’Ivoire 1998, Tanzanie 1999, Sénégal 2004, Angola 2004, Madagascar 2005, Mali 2006, Benin 2007…).Dès lors l’achat de terres par les multinationales de l’agrobusiness et par des firmes nationales devenait possible : les multinationales pouvaient s’implanter et les entreprises d'État chinoises acquérir ou louer  de plus en plus de terres agricoles[48]. On estime à 134 millions d’hectares la surface ayant fait l’objet de transaction en Afrique entre 2000 et 2010 (soit l’équivalent du Tchad, deuxième plus grand pays d’Afrique sub-saharienne)[49]. Au Sénégal, par exemple, outre la production d’arachide largement imposée par les multinationales de produits alimentaires, des sociétés étrangères acquièrent de grandes superficies et y imposent leur production : la société indienne Sénégindia investit près du fleuve Sénégal pour produire à grande échelle de la pomme de terre[50]. Une ferme de plus de mille vaches est en cours d’installation par Danone près de Kaolack[51], des investisseurs privés italiens se sont porté acquéreurs de plus de 20 000 hectares dans la région de Podor pour produire des plantes pour fabriquer des carburants.

 

 

Entre la production et la distribution d’autres multinationales contrôlent le marché de la  transformation comme le font Danone,  Nestlé, Coca Cola  L’histoire du groupe Danone est un bel exemple de fusions-acquisitions : le groupe Gervais-Danone a progressivement acheté des sociétés productrices de pâtes alimentaires, de son côté le groupe Boussois-Souchon-Neuvessel spécialisé dans le verre et les emballages achetait des marques de bière, d’eaux minérales et de nourriture infantile ; en 1973 les deux groupes fusionnaient pour former BSN-Danone achetant des marques de brasserie, de confiserie, de biscuiterie puis des marques de produits surgelés et de conserves de légumes ; devenant le groupe Danone  la firme s’implante à l’étranger avec, entre autres,  des achats en Chine. Par la suite Danone vendra des marques pour acheter de l’agro-alimentaire aux USA, pour s’implanter en Amérique latine,  en Asie, en Afrique du Nord, en Europe centrale et pour entrer à la bourse de New York ; cette politique de vente se poursuit aujourd’hui pour continuer de s’implanter en Afrique (Kenya, Togo, Côte d’Ivoire, Nigéria, Ghana…) et dans la nourriture infantile…

 

Enfin, les multinationales  contrôlent le marché de la distribution, sans aucun doute le stade de la chaîne d’approvisionnement le plus concentré. Des chaînes de supermarché comme  Wal-Mart, ( 510 milliards de dollars de chiffre d’affaire), Kroger, Carrefour, Tesco, Ahold Delaize, Casino… exercent un véritable pouvoir[52]avec leur centrales d’achat pour contrer la puissance d’achat des grands fournisseurs de marques tels que Nestlé, Danone, Mondelez, Unilever,… et affronter la concurrence avec les autres distributeurs. La plupart des entreprises de distribution ont créé, ou se sont affiliées à des centrales d’achats, prenant totalement ou partiellement en charge les approvisionnements de leurs magasins  en pesant sur les prix imposés aux producteurs[53].

 

        Reste qu’il n’y a pas de commerce neutre et qu’en contre partie du soutien des Etats  les firmes  se doivent d’ afficher  leur pavillon national,  et ainsi de s’insérer  dans les stratégies de puissance des Etats  qui, avec l’agro-business,  instaurent une domination  des anciennes colonies et des pays soumis à leur  puissance  financière et  militaire.

 

Conséquences

La transformation de la nature  est, évidemment, une conséquence directe d’un développement capitalistique de l’agriculture avec son lot de déforestations, de détournement des cours d’eau, d’assèchement des zones humides, d’irrigation forcée etc.  et aussi une pollution généralisée par les pesticides, une eutrophisation également généralisée, ainsi qu’une perte massive de biodiversité et d'agrobiodiversité, accompagnée de phénomènes de dégradation et d'érosion des sols, de salinisation voire de perte de nappes phréatiques[54]. La réduction des espaces de vie des animaux sauvages rapproche les survivants des espaces occupés par les animaux domestiqués et les humains rendant les contaminations d’autant plus probables que les modes de vie des populations locales sont bouleversés. Reste que le capital des pays occidentaux ne payera pas le coût des dégâts de l’environnement.

Le développement de cette agriculture industrialisée entraine partout où elle achète ou loue des terres une expropriation des paysans qui vivaient là et concomitamment un déracinement des populations pressées à acheter les produits de cette nouvelle industrie agro alimentaire. Facteurs climatiques et extension de l’agrobusiness se mêlent et suscitent des déplacements très importants de populations qui, eux-mêmes, se combinent vite à des facteurs idéologiques (religieux et  politiques) qui, en attisant des conflits, amplifient les déplacements. Abdelmalek Sayad et Pierre Bourdieu avaient raison de dire que la confrontation d’une petite agriculture traditionnelle et d’une agriculture industrialisée d’une part et la guerre d’autre part induisaient l’émigration. Celle-ci peut atteindre des proportions importantes comme en Afrique où 12 millions de personnes se seraient déplacées pour des motifs économiques qui mêlent effets d’exploitations intensives de la terre et transformations climatiques[55] ; comme en Amérique latine  où l’agriculture d’exportation (modèle ancestral des multinationales de l’agrobusiness) de la canne à sucre, du café, du riz, du coton… a d’abord fait appel à la main d’œuvre importée des esclaves[56] puis - lorsque la mécanisation des entreprises agricoles est survenue[57] - a exporté de la main d’oeuvre vers les villes- ne gardant que des ouvriers agricoles saisonniers ; comme en Asie du Sud –Est où quand les zones rurales sont « passées d’une économie et d’une société fermées avec une large part d’auto subsistance à … une société ouverte au monde et à une économie de marché[58]» il y a eu une appropriation et une  concentration de la propriété des terres pour assurer la commercialisation des produits agricoles   qui a entrainé la migration vers les villes. Croissance démographique aidant, les pays d’Asie du Sud Est ont  d’ailleurs adopté des politiques d’exportations  conséquentes de main d’œuvre comme cela avait été le cas ailleurs[59].

L’expulsion, la paupérisation, le déplacement forcé des populations, les difficultés d’existence des petits paysans ou des pécheurs indépendants… affectées par les emprises des multinationales de l’agrobusiness, forment  donc  le lot de la seconde conséquence. En attendant que la grande part des  populations d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique centrale ou du sud trouvent un emploi salarié et se transforment en consommateurs des  produits de l’agrobusiness et de l’industrie capitalistes, il leur reste,  pour une minorité à devenir la main d’œuvre mal payée des grandes firmes d’agrobusiness , pour le plus grand nombre à vivre d’expédients divers en tentant de revendre les excédents ou les rebuts de la surproduction capitaliste, pour quelques un.e.s à devenir salarié.e.s des entreprises travaillant pour les multinationales et , pour d’autres  à émigrer et à devenir une main d’œuvre soumise vivant dans les conditions d’existence difficiles dans ces zones de relégation que sont les banlieues des grandes agglomérations.

La situation des travailleurs ayant vendu leurs terres aux sociétés productrices d’huile de palme au Guatemala est à ce titre exemplaire. Forcés de vendre à la suite de manœuvres diverses, ils ont été embauchés par les sociétés d’agrobusiness : quelques uns sont travailleurs permanents, d’autres « travailleurs permanents sans contrat » et  doivent renoncer aux prestations sociales pour obtenir un emploi d’intérimaire quasi permanent, d’autres ont pu conserver un lopin de terre et complètent leurs ressources par un emploi saisonnier, les derniers enfin sont des travailleurs, travailleuses occasionnel.le.s ou saisonnier.e.s recruté.e.s au loin, les quadrilleros, sans couverture sociale, qui, durant leur période de travail, vivent dans des campements. Ces employé.e.s sont rémunéré.e.s le plus souvent en dessous du salaire minimum légal, font des journées de travail très longues, sont mal nourri.e.s[60].

 Reste que le capital des pays dominants, responsable de la situation, ne payera pas la reproduction de cette  force de travail qui sera laissée au bon vouloir des pays exploités qui ne peuvent l’assurer qu’en empruntant aux banques  des pays dominants,  oscillants qu’ils sont  entre une exploitation  de style  précapitaliste de leur peuple aussi violente que celle qu’ont connue, au XIXe siècle, les pays en cours d’industrialisation  ou, pour faire face  à la concurrence de pays voisins qui ont les mêmes réserves  de main d’œuvre à bon marché,  une soumission  accrue aux dictats politiques et économique  des pays  et des multinationales  donneurs d’ordres.

 La grande distribution en fin de chaîne n’est pas en reste.  Elle entraine d’abord  une  disparition d’emplois, (Jayati Ghosh remarque que, en Inde, pour un emploi crée dans une grande chaîne de distribution alimentaire  17 à 18 petits négociants sont « déplacés »[61]) Ensuite  la standardisation  crée des produits qui, lorsque la volonté de profit l’emporte, peuvent se retrouver fragilisés en multipliant les risques d’accidents pour les travailleurs de cette industrie et pour les consommateurs comme le montre bien l’étude de « l’Encyclopédie de sécurité et santé au travail dans l’industrie alimentaire » publiée par le Bureau International du Travail ( B.I.T. )[62]  Ce qui est peut-être gagné en sécurité dans la chaine alimentaire avec le contrôle des produits (encore que les épisodes de lait et fromages contaminés par la listeria montrent la fragilité de la chaine de production[63]) et surtout dans leur conservation avec la réfrigération (encore qu’il y ait eu 104 accidents/incidents de réfrigération entre 1992 et 2009[64]) est, en quelque sorte, perdue au centuple avec la fragilisation des intrants aux virus et bactéries. Il ne s’agit plus  d’animaux avec lesquels une relation s’installait, obligeant à une surveillance individualisée,  mais d’objets qu’il faut standardiser et qui sont soumis à des procédures mécaniques de surveillance pour assurer la rentabilité de leur exploitation[65]. La fragilité que ces opérations induisent les rend plus aisément atteints par les virus portés par les animaux qu’ils sont amenés à côtoyer (rongeurs, chauves –souris…). Pire cette fragilisation se trouve amplifiée par des pratiques de consommation suscitées par les entreprises agro-alimentaires (additifs gustatifs qui créent une quasi addiction) qui ne sont pas sans rapport avec l’augmentation de l’obésité. et,  partout où elle crée des marchés, une augmentation des diabètes, de l’obésité, des maladies cardio-vasculaire… 

 

Enfin ce système, troisième conséquence, par sa politique de prix et  par l’emprise pratique qu’exerce le réseau de magasins, tient non seulement les habitants des pays dominés mais aussi la quasi-totalité de la population des pays dominants à sa merci,  la faisant, ainsi, collaborer au maintien du capitalisme. En effet si les prix sont moins élevées que pour une production locale, les consommateurs ont tout intérêt à fermer les yeux sur l’exploitation de salarié.e.s agricoles africain.e.s, asiatiques ou sud américain.e.s qui  l’explique, si l’agro business apporte sur la table des aliments abondants (ou rares) les consommateurs ont tout intérêt à fermer les yeux sur les dégâts environnementaux. De gré, ou de force pour ceux qui ont des revenus plus faibles et dépendent des discounters, les consommateurs, en acceptant ou en supportant d’être les otages du capitalisme, le consolident sans cesse tout en se retrouvant plus souvent que d’autres victimes d’une « malbouffe » qui contribue au développement d’une obésité qui n’est pas sans conséquences sur leur situation  sanitaire.

 

 

Tout se passe  donc comme si la recherche du profit de l’agrobusiness  facilitait les rencontres entre des populations déracinées et des animaux sauvages sans abris, et, ainsi, sans le vouloir expressément bien entendu, pouvait, indirectement,  contribuer à ouvrir la voie aux virus. Les modes de domination  intensif des populations qui travaillent dans les firmes d’agrobusiness  sont assez comparables à ceux qui existaient dans les premières grandes exploitations que furent les plantations - l’intensité de la  violence physique en moins (ce qui ne l’empêche pas  ici et là) -  mais alors que celles-ci importaient des esclaves celles-là exportent des travailleurs. Tout se passe  donc comme si d’autres  populations, déjà déracinées et prolétarisées, installées dans la banlieue des mégapoles, bien éloignées maintenant des animaux sauvages,  avaient le plus de probabilités de souffrir  des virus  libérés. En somme la boucle est bouclée !

Pour autant il n’est pas question de revenir à une agriculture d’antan qui usait les corps prématurément, tant elle exigeait d’efforts et de souffrances et qui, procurant de très faibles revenus, laissait vivre la petite paysannerie dans un dénuement proche de la misère. Seule une science[66]   attentive au monde social  peut permettre de construire une relation moins violente dans le rapport aux autres espèces animales, une production alimentaire de qualité et de quantité plus en accord avec les contraintes climatiques qu’un siècle d’industrie a produites. Comme l’écrivait Emile Durkheim il y a plus d’un siècle : « l’espèce humaine n’est qu’une des espèces animales et il est impossible de se faire une idée de l homme si on ne le situe pas par rapport au reste de l’humanité ;  si on ne comprend pas les liens qui l’unisse au milieu cosmique »[67].

 

 

 

Conclusion

La mondialisation unificatrice et pacificatrice du monde est largement un leurre. La  croyance dans le « Progrès » qui justifie et légitime la course capitaliste vers le profit pourrait-elle être remise en question par la pandémie ? Le confinement, les décès, la mobilisation des soignants etc. pourrait-elle délégitimer la valeur du « Progrès » ? Pourrait-on agir pour arrêter la course ? On peut douter de la possibilité d’une rupture avec un système qui est même capable de produire du profit avec  « ses déchets, ses excréments » comme l’écrit Marx, ajoutant qu’ainsi « en [les]rejetant dans le cours circulaire de la reproduction elle convertit ces non valeurs en autant d’éléments additionnels de l’accumulation »[68]  C’est dire que je suis sceptique face aux déclarations de ceux  qui pensent que la pandémie entraînera un changement de civilisation. Comme  Jacques Bouveresse je pense que « les problèmes du  dégâts du progrès ne sera pas résolu par des corrections mineures introduites au coup par coup mais seulement par un changement d’attitude radical, qui est malheureusement peut-être devenu depuis un certain temps déjà impossible … »[69] Seule une défaite totale du capitalisme pourrait l’entrainer mais cela supposerait une mobilisation pour le moins importante et décidée que les classes populaires les plus démunies - étroitement surveillées qu’elles sont pour éviter les émeutes, et réduites, par ailleurs, à la résignation fataliste - ne sont guère en mesure de produire et à laquelle les classes moyennes, contraintes par les crédits et largement façonnées par l’individualisme néolibéral, ne sont pas prêtes d’adhérer. Dans ces conditions la course aux profits du capital risque fort de continuer et les épidémies et catastrophes environnementales de se multiplier.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         

 

 



[1] Karl  Marx,  le Capital,  Paris, Gallimard, folio, livre I,  P. 546

[2] Tout se passe comme si l’Etat  qui  contrôlait  déjà  les têtes et les corps des enfants et des adolescents par l’éducation étendait son emprise sur les adultes.

[3] Lacroix Audrey, La détection et la caractérisation de coronavirus et astrovirus chez les chiroptères du Cambodge et du Laos, Université de Montpellier, Thèse, 2016

[4]< https://prodinra.inra.fr/record/373566>,   Payne Ariane, Barbier Elodie, Le rôle des animaux sauvages et de l’environnement dans la circulation du Mycobacterium bovis, agent de la tuberculose bovine, Premier cru, les news du centre INRA de Dijon, 2015

[5] Wallace R. et al.Clear-Cutting Disease Control: Capital-Led Deforestation, Public Health Austerity, and Vector-Borne Infection, Springer, 2018.

[6] Shaw S., Contre les pandémies, l’écologie, Le Monde diplomatique, 2020, mars, n°792

[7]  Johnson Ch. K., P. L. Hitchens, Pranav S. Pandit, Julie Rushmore, Tierra Smiley Evans, Cristin C. W. Young, Megan M. Doyle, 2020, Global shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover risk,  Proc. R. Soc. B, 287, 2019, 2736 <http://doi.org/10.1098/rspb.2019.2736>

[8] Vandermeer J.H. The ecology of Agroecosystems. Jones et Bartlett, 2011;

[9]  Graham, J. P., Leibler, J. H., Price, L. B., Otte, J. M., Pfeiffer, D. U., Tiensin, T., & Silbergeld, E. K. (2008). The Animal-Human Interface and Infectious Disease in Industrial Food Animal Production: Rethinking Biosecurity and Biocontainment. Public Health Reports, 123(3), 282–299. <https://doi.org/10.1177/003335490812300309>

[10] Pour un exemple au Mali voir  the Oakland institute et la Coordination nationale des organisations paysannes,  A qui profitent les investissemenst fonciers à grande échelle au Mali IN

[11] Conférence de Philippe Sansonetti au Collège de France le 16 mars 2020 en partie publiée par La vie des Idées.

[12] Mindi Schneider, « Wasting the Rural: Meat, Manure, and the Politics of Agro-Industrialization in Contemporary China », Geoforum, n°78, 2017.

[13] La sociologie du sport menée à l’université de Strasbourg a bien  montré que les capacités physiologiques variaient avec les situations sociales des agents.

[14] Les chercheurs italiens ont émis l’hypothèse que la pollution de la Lombardie pouvait avoir fragilisé les populations vivant là.

[15] Canard B., la science fondamentale est notre meilleure assurance contre les épidémies, Le journal du CNRS, 23 /03 /2020.

[16] Il y a vingt ans, 80 % de la production de porc chinois provenaient des petites fermes ; aujourd’hui, ce sont les grandes fermes spécialisées et les méga fermes industrielles qui produisent 80 % du porc.

[17]< https://www.centpapiers.com/chine-les-grandes-entreprises-remplacent-les-paysans/>

[18] Les  politiques menées à Cuba ont permis d’améliorer considérablement le niveau de vie des populations alors qu’au  Venezuela des politiques de lutte contre la paupérisation doivent faire face à une situation  catastrophique  héritée du passé.

[19]Davis M., Le pire des mondes possibles. De l explosion urbaine au bidonville global, Paris, La découverte, 2005

[20]Mesrine A., La surmortalité des chômeurs : un effet catalyseur du chômage ?, Économie et statistique, 2000, n° 334.

[21] Montlibert Ch.de,  La violence du chômage, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg,

[22]  Bourdieu P., Sayad A., Le déracinement ; la crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Paris, Editions de minuit, 1964.

[23] Levin M. L’État et les classes sociales en URSS 1929-1933, Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°1, février 1976.

[24] Luxemburg R. L’accumulation du capital, l’explication économique de l’impérialisme, Marseille, Agone, 2019, (première édition 1913). Bourdieu P., Sayad A., Le déracinement, Op.cit.

[25] Bourdieu P., Algérie 60, Structures économiques et structures temporelles.  Paris, Editions de minuit, 1977,  124 P.

[26] Sayad A., L'Immigration, ou les paradoxes de l'altérité, De Boeck Université, 1992, 331 P. 

[27] Sayad A., La double absence ; des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Op.cit.

[28] Marx K., Engels F., L’idéologie allemande, Paris éditions sociales 1968, (1ère édition 1859) «prenons par exemple la question importante des rapports de l’homme et de la nature… comme s’li y avait là deux « choses »disjointes, comme si l’homme ne se trouvait pas toujours en face d’une nature qui est historique et d’une histoire qui est naturelle»

[29]  Karl Marx utilisait cette expression pour designer les pratiques  domestiques  destinées à être remplacées par des produits industriels.

[30]  Si de nombreux films  ont été réalisés sur la fin des paysans,  la littérature est moins diserte sur ce thème.

[31] Marx K. Le Capital,  op.cit., P.757

[32] En France la fin des exploitations  agricoles « traditionnelles »  remonte aux années cinquante ; « l’exode rural » avait certes commencé bien avant pour fournir la main d’œuvre industrielle  mais s’est accéléré avec le développement  de l’industrie alimentaire convoitant ce marché qui nécessitait une main mise sur une production rationalisée des produits agricoles.

[33] Le tourisme qui conduit des  cohortes  d’humains dans des espaces habités par des animaux sauvages  contribue aussi à la dissémination des virus.

[34] Bourdieu P., « Unifier pour mieux dominer » Contre-feux 2, Paris, Raisons d’agir éditions, 2001.

[35] Bayor K., La réglementation de la nature : la construction de l’appareil administratif de gestion de l’espace rural au Togo, Regards Sociologiques, 1997, n° 14.

[36] Wagner A-C., Les classes sociales dans la mondialisation, Paris, La Découverte, 2007.

[37] Lénine V.I., L’impérialisme stade suprême du capitalisme,  Paris, Editions sociales, 1945 (1e édition 1916)

[38] Rosenblat C., Les entreprises multinationales : un processus urbain dans un environnement international et transnational,  L'Information géographique 2007/2 (Vol. 71), pages 43 à 66

[39]  Delcourt L., Les dynamiques d’expansion de l’agro business, IN Alternatives Sud, Emprise et empreinte de l’agrobusiness,  Paris, Editions Syllepse, 2012.

[40] Le capital financier prélève aussi des bénéfices sur les emprunts d’Etat

[41] Rozenblat C., Les entreprises multinationales : un processus urbain dans un environnement international et transnational, op.cit.

[42] Luxemburg R.,  l’Accumulation du capital, contribution à l’explication économique de l’impérialisme, Marseille, Agone, 2019,  P.423

[43]  Rastoin J-L, les multinationales dans le système alimentaire, Revue Projet, 2008/6, n ° 307,  pp. 61 à 69

 

[44] African Centre for Biosafety, la main mise de Monsanto sur l’agriculture sud –africaine, IN Alternatives Sud, Emprise et empreinte de l’agrobusiness,  Paris, Editions Syllepse, 2012.

[45] https://reporterre.net/Quand-les-multinationales-de-l-agrobusiness-s-achetent-une-vertu-climatique

 

[46] https://multinationales.org/Accaparement-des-terres-20

[47] Bouquet Ch., En Afrique, les terres appartiendront à ceux qui les achètent,  (In Africa, land will belong to those who buy it), Bulletin de l'Association de Géographes Français, Année 2012, 89-3  pp. 388-398

[48] Tabarly S.,  Agricultures sous tension, terres agricoles en extension : des transactions sans frontières, Geoconfluence, ENS, Lyon, 2011. <http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/articles/agricultures-sous-tension-terres-agricoles-en-extension-des-transactions-sans-frontieres> Au total, ce sont quelque 2,1 millions d'ha qui auraient ainsi été investis par des intérêts chinois dans le monde

[49] <https://ccfd-terresolidaire.org/IMG/pdf/acc_terres_ccfdjuin2012.pdf>

[50] <http://laviesenegalaise.com/tag/la-societe-senegindia-sarl>

[51]<http://www.kaolackois.com/kaolack/importation-de-1000-vaches-pour-am%C3%A9liorer-la-production-laiti%C3%A8re-officiel>

[52]  http://www.gresea.be/eludernormesenv_8juin06.html

[53]  Wathelet V., Les filières de production orchestrées par la Distribution, GRESEA, Observatoire critique des multinationales, 12 juin 2015.

 [54]https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9volution_verte

[55]  On sait que les deux facteurs ne sont pas indépendants : les transformations de la nature exigées par l’agro business  entrainent des modifications locales du climat : en Europe la suppression des haies, des boqueteaux au sommet des collines, le comblement des mares entraine une diminution localisée des pluies.

[56] Selon les sources l’Amérique aurait importé entre 9 à 11 millions d’esclaves.

[57] Chonchol J., Population , développement agricole et occupation de l’espace rural en Amérique latine. IHEAL  < https://books.openedition.org/iheal/1411?lang=fr>

[58] Bruneau M., Mobilités, migrations et pauvreté en Asie du Sud-Est, <http://www.tamdaoconf.com/tamdao/wp-content/uploads/downloads/2010/08/Tam-Dao-2009-FR-SP5-Bruneau.pdf>

[59] Sayad A., L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, De Boeck Université1992.

[60]  Hurtado L, Sanchez G., Les agrocarburants au Guatémala : accaparement des terres, spoliation des paysans  et assujettissement au travail IN Alternatives Sud, Emprise et empreinte de l’agrobusiness,  Paris, Editions Syllepse, 2012.

[61] Ghosh J., Pouvoir de la « grande distribution » alimentaire dans le monde en développement, IN Alternatives Sud, Emprise et empreinte de l’agrobusiness,  Paris, Editions Syllepse, 2012.

[62]Encyclopédie de la sécurité au travail. Bureau International du Travail (B.I.T.) <http://www.ilocis.org/fr/documents/ilo067.htm>

[63]< https://www.nsfinternational.eu/fr/le-risque-listeria-en-industrie-alimentaire-est-il-maitrisable-et-maitrise/>

[64] Accidents impliquant des installations de réfrigération, Base de données  ARIA, Ministère du développement durable. 2009

[65] Thrall P.H.,  Oakeshott J.G.,  Fitt G.,  Southerton S., Burdon J. J., Sheppard A.,  Russell R. J.,  Zalucki M.,   Heino M.,   Denison R. F., Evolution in agriculture: the application of evolutionary approaches to the management of biotic interactions in agro‐ecosystems, <https.://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1752-4571.2010.00179>

 

[66] Canard B., la science fondamentale est notre meilleure assurance contre les épidémies, Le journal du CNRS  23 /03 /2020.

[67] Durkheim E., L’évolution pédagogique en France,

[68] Marx K., Le capital, Paris, Gallimard, Folio 1963 et 1968, Livre I,  P.660

[69]  Bouveresse J., Le mythe moderne du progrès, Marseille, Agone, 2017.