Multinationales et
agrobusiness
Professeur émérite Christian de Montlibert
Université
Marc Bloch
Juin 2020
« Dans l’agriculture moderne, de même que dans
l’industrie des villes, l’accroissement de productivité et le rendement
supérieur du travail s’achètent au prix de la destruction et du tarissement de
la force de travail. En outre chaque progrès de l’agriculture capitaliste est
un progrès, non seulement dans l’art d’exploiter le travailleur, mais encore
dans l’art de dépouiller le sol ; chaque progrès dans l’art d’accroitre sa
fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de
fertilité. [1]» Karl Marx, Le Capital.
Les pandémies un fait social construit
L’épidémie du coronavirus n’est
pas la seule qui ait endeuillée des populations. Comme toujours, on ne peut
comprendre la dynamique de diffusion qui la caractérise qu’en joignant ce que
discours politiques et discours médiatiques disjoignent en nous présentant
chaque épidémie comme un phénomène isolé. En réalité le corona virus
rejoint le SRAS, la grippe aviaire, la
grippe porcine, l’Ebola, le H1N1, le MERS-CoV, etc. La succession des épidémies
en séries rapprochées montre bien qu’il s’agit bien là d’un « fait social » qui, comme
tout fait social est le résultat d’une construction sociale! Savoir que le
virus entraine plus probablement la mort de personnes déjà fragilisées avec des
corps vieillis, usés par le travail, par les conduites à risque (tabac, alcool
…) qui permettent d’oublier temporairement les conditions de vie pénibles, par
l’obésité de la « malbouffe » et de la sédentarité, renforce l’idée qu’il s’agit bien d’un fait
social. Mais comprendre ce « fait social », demande, d’abord, et,
autant qu’il soit possible actuellement, de formuler des hypothèses
plausibles, de « rechercher la cause
déterminante parmi les faits sociaux antécédents ». Pour ce faire il
faut aussi s’écarter définitivement des « monstres » qu’ont créé les
médias en répétant à longueur de journée le nombre de morts que le Covid19
engendrait et aller au-delà de la « propagande » propre à légitimer
la politique d’un Etat dont tout semble montrer qu’il profite de la pandémie
pour augmenter son pouvoir de contrôle[2].
« La nature est historique » Karl
Marx
La pandémie, on le sait maintenant, ne peut
pas être pensée hors du rapport aux animaux sauvages[3] qui, eux-mêmes, dépendent
de l’organisation sociale du monde rural[4] et,plus précisément, de
l‘organisation de l’agriculture. Tout se passe comme si la déforestation (pour
planter des palmiers en vue de la récolte d’huile, pour exploiter les gisements
minéraliers qu’elle cachait, pour exploiter des espèces de bois particulières,
pour, plus simplement, y tracer des routes ou
pour récupérer des espaces pour l’agriculture …) libérait des virus[5] que les cycles
forestiers, avec leurs écosystèmes très spécifiques, conservaient en
quelque sorte[6].
Cette diminution des espaces forestiers réduit
non seulement le nombre d’animaux sauvages mais aussi leur espace de
vie. Dans ces conditions leur rapprochement des zones habitées est accentué. Lorsque l’espace des animaux sauvages commence à se
réduire comme peau de chagrin, les occasions de contacts des espèces animales
sauvages avec les espèces d’animaux domestiqués et avec l’espèce humaine
deviennent plus nombreuses. Une étude récente montre bien que les pratiques agricoles contemporaines
rapprochent l’espèce humaine des animaux susceptibles de porter des virus[7] : pire les espèces
d’animaux sauvages menacées dans leur
mode de vie et leur habitat seraient porteuses de deux fois plus de virus que
les espèces non menacées. Comme l’écrivent les auteures de cette étude :
les déforestations, les extensions des espaces cultivés mais aussi « les empiètements sur la biodiversité
accroissent le risque d’un débordement d’une nouvelle infection en augmentant
la probabilité de contacts entre les humains et la faune sauvage ».
Tout se passe donc comme si la
diminution du nombre d’espèces, le raccourcissement de la durée de vie de
animaux, la standardisation de l’exploitation des produits agricoles avait pour effet d’accélérer la circulation des
virus que la variété des forêts, des plantes et des animaux et la symbiose des
pratiques agricoles et des pratiques d’élevage, dans des régions elles-mêmes fortement
différentiées, ralentissaient et même absorbaient[8], [9].
Les transformations de l’exploitation des sols
n’affectent pas seulement les animaux et
la flore sauvage mais aussi et avant tout les habitants des zones rurales
concernées qui avaient développé au cours des siècles des variétés de plantes et des modalités d’élevage qui leur avaient
permis de s’adapter aux variations climatiques[10]. Nombre d’entre
elles sont obligées de se déplacer vers
les agglomérations urbaines dans l’espoir d’y trouver un revenu et parfois
n’ont d’autres possibilités que d’émigrer. Le développement de cette
agriculture industrialisée entraine partout où elle achète ou loue des terres
une expropriation des paysans qui
vivaient là et concomitamment un
déracinement des populations pressées à
acheter les produits de cette nouvelle industrie agro alimentaire. En somme
animaux et hommes sont chassés de leur habitat séculaire.
I-Des
origines de l’épidémie de Covid19
Pratiques
chinoises
Le virus serait, dit-on, né en Chine
sur un marché. Il y a de fortes probabilités pour que le virus porté par des
chauves-souris ait contaminé des pangolins vendus sous l’étal des marchands de
poissons[11]. La transformation très brutale des conditions de vie des ruraux aurait-elle
précarisé les chasseurs d’animaux sauvages au point que, pour, survivre, ils
aillent attraper des animaux que, jusqu’alors, l’expérience populaire accumulée
avait interdits ? Ou, autre possibilité, la construction des mégapoles et
surtout la mise en place de fermes d’agro-business aurait-elle fait disparaitre
les habitats des animaux jusqu’alors consommés, ce qui obligerait à chercher
ailleurs des espèces proches dont on ne connait pas les propriétés ?[12]
Ou encore les cuisiniers des marchés populaires, souvent plus ou moins
clandestins, souvent des chômeurs pratiquant des petits métiers, auraient-ils
raccourci les temps de cuisson ou diminuer les températures de
cuisson pour augmenter leurs gains? Ou - mais cette possibilité est
compatible avec les précédentes - pourquoi les capacités physiologiques[13]
des populations rurales migrantes chinoises transplantées rapidement dans des
environnements très pollués n’auraient elles pas été modifiées[14]
créant une fragilité des muqueuses, permettant au virus, ayant muté en
investissant l’espèce humaine[15],
de s’installer ?
Sous jacents à ces pratiques, que seule une
observation minutieuse pourrait décrire, mais qui les déterminent et les
expliquent, on trouve à la racine du « fait social épidémique » les conditions de transplantation d’une
population paupérisée dans les espaces urbains et, cause parmi d’autres de
cette migration, une politique d’organisation industrielle de la production de
la nourriture avec la création d’un agro-business pratiquant une agriculture rationalisée
pour nourrir la population salariée
urbanisée. Les élevages industriels de volailles et de porcs[16], les fermes laitières géantes (plus de 1000
vaches), les grandes exploitations de céréales ou de légumes ont récemment
prospérés. Des firmes chinoises puissantes (New Hope Group, CITTIC, par exemple, ont passé des accords avec des
multinationales étrangères comme Bayer Crop Science, Cargill, Wilmar et Charoen Pokphand, le Japonais Itochu…pour exploiter les terres en Chine. Des sociétés
chinoises cherchent aussi à s’implanter dans d’autres régions du monde au Brésil, en Argentine, en Australie, en
Angola, en Nouvelle Zélande etc. soit en achetant des sociétés existantes comme
celle du plus grand producteur de porcs étatsunien -Shuanghui International a racheté le plus gros producteur de
porc mondial, Smithfield Foods en
2013 avec le soutien financier de la
Banque de Chine, de Goldman Sachs et
de Temasek Holdings, soit en prenant des participations dans des
sociétés d’agrobusiness étrangères : le China National Cereals, Oils and Foodstuffs Corporation Group, qui
appartient à l’État et est le plus grand transformateur, fabricant et négociant
de denrées alimentaires de Chine a pris récemment une participation majoritaire
dans l’entreprise hollandaise Nidera
et dans l’entreprise Singapourienne Noble,
deux des plus grands négociants en céréales et en oléagineux de l’Amérique
latine. Ces prises de participations et fusions acquisitions profitent aux
banques dont Wall Street Goldman Sachs et le fonds souverain de Singapour, Temasek Holdings ainsi qu’aux sociétés de capital-investissement dont l’américaine KKR[17]
. Ces achats transforment totalement les conditions d’existence de millions de
paysans chinois et entrainent une paupérisation et une émigration vers les villes
soit en supprimant leurs exploitations fermières, soit en ne leur permettant
pas de concurrencer les aliments produits à l’étranger par des salariés moins
rémunérés qu’ils ne l’étaient. Ces transformations sociales trouvent, en
Chine, leur origine dans les variations
de la politique du parti communiste.
Reste que la politique chinoise[18], à l’inverse de la
paupérisation et de la bidonvilisation d’Amérique, comme à Buenos Aires, à
Bogota, à Sao Paulo, à Haïti, à Mexico…, de certaines régions d’Asie comme à
Manille, à Mumbaï, à Bangkok, à Calcutta… ou d’Afrique comme au Sénégal, au
Ghana, au Nigeria, en Côte d’ivoire, en Egypte ou au Soudan ou le long du
périphérique nord de Paris etc.[19] a permis d’améliorer la
situation misérable de millions de chinois avec une augmentation sensible des
salaires ouvriers, une construction de logements et une scolarisation intense,
des équipements collectifs nombreux. Malgré cela le sous-emploi rural
demeure et entraine une migration temporaire ou saisonnière vers les villes de
plusieurs millions de personnes (environ 28 millions), y faisant coexister
population rurale paupérisée et population urbanisée , voisiner des
espaces modernes et des habitats
dégradés, des petits métiers de débrouille et des situations sous contrôle
sanitaire, des représentations du monde et de soi (croyances dans les vertus
magiques de substances animales par exemple) qui peuvent être totalement
opposées aux représentations plus rationnelles d’urbains plus longuement scolarisés.
Ces dimensions psycho sociales, amplifiées par des conduites à risque plus
fréquentes[20],
rendent compte des hausses des taux de mortalité que l’on constate aussi ailleurs, par exemple en Louisiane, Etat où
la pauvreté est accentuée et dans la région désindustrialisée de Detroit où un
chômage de masse, dont on sait qu’il est désorganisateur de la psyché, sévit[21].
L’émigration rapide liée à une paupérisation entraine toujours, avec des degrés
variables selon les politiques qui l’accompagnent, une désorganisation des habitus et des discordances des
structures temporelles qui ne peuvent pas demeurer sans effets sur les corps[22].
Il est vrai que les migrations des
campagnes vers les villes, que l’on doit constater chaque fois qu’il y a
industrialisation, transformations de l’agriculture et urbanisation, qu’elles
soient politiques comme cela a été le cas en URSS[23]
ou en Chine, qu’elles résultent d’application du droit de propriété de la terre
comme dans l’Algérie colonisée[24]
ou de l’industrialisation capitaliste comme dans la France ou la Belgique de la
fin du XIX e siècle par exemple ,
entrainent toujours du sous emploi[25],
de la misère et des transformations des « mœurs de famille »[26]comme
les appelait Karl Marx. Phénomènes qui, dans des pays de forte densité
démographique, prennent des proportions importantes.
Un agro busines triomphant
La
nature naturelle n’existe pas : « la
nature est historique »,
comme le disait déjà Marx[28]. Elle est sans cesse
transformée par les rapports de production et produite par ces rapports. Pour
le dire autrement le capitalisme s’est emparé de la nature. Pour en arriver là
il aura fallu transformer totalement les paysanneries qui s’étaient adaptées
aux contraintes géographiques locales en y adaptant leurs pratiques; les
rapports avec la flore et la faune sauvage en
ont été complètement modifiés. Le constater en même temps qu’est
constatée la disparition des modes de vie précapitalistes des sociétés rurales
et même la réduction des possibilités d’existence de la petite paysannerie européenne conduit à
penser que virus et bactéries (la méningite bactérienne qui a frappé l’Afrique
de l’Ouest par exemple) sont insérés dans des chaines de relations. Dans ces
conditions la circulation des épidémies ne peut pas être pensée indépendamment
de la mondialisation et des formes qu’elle prend en matière de production
alimentaire et de production chimique destinée à l’agriculture etc.… d’une
part, ainsi que des formes que prennent les politiques étatiques en la matière
d’autre part. L’extension de l’agrobusiness, l’intensification de la
rationalisation industrielle de production alimentaire et des pratiques
sociales qui accompagnent la « dépaysannisation »
contribuent à leur manière à expliquer le passage des virus et bactéries du
réservoir de la faune sauvage à la chaine animale domestiquée et à l’espèce
humaine. Le fait social est là dans la domination des firmes capitalistes des
pays dits « avancés » sur les sols souvent d’usage communautaire de
populations obligées à la migration et/ou à rompre avec leur mode de vie. Le
même processus qui affecte la vie des animaux sauvages affecte profondément la
vie des populations en les paupérisant et les obligeant à l’émigration vers des
villes où l’activité économique laisse espérer des emplois ou, au moins, la
possibilité d’exercer des « petits boulots ».
La
mondialisation de l’organisation capitaliste ne s’exerce pas seulement, en effet,
dans la production d’objets, elle s’exerce aussi sur les éléments qui entrent
dans cette production : rien ne le montre mieux que la production
alimentaire. L’industrie, premièrement,
en s’en emparant, rationalise la production, en assurant un flux continu de
matières premières grâce à l’anéantissement de formes précapitalistes de
paysannerie traditionnelle et son remplacement par un agro-business –qui, en
étendant la surface des champs pour utiliser des machines toujours plus
puissantes et plus rapides, élimine mares, fossés, haies, bosquets et bois…- Le
capitalisme alimentaire, deuxièmement,
assure aussi la standardisation des produits en sélectionnant une espèce qui
s’adapte mieux aux exigences du commanditaire industriel : il y avait,
dans les années cinquante, au moins 48 variétés de vaches en France, en
Allemagne on en comptait une vingtaine, près de 40 en Espagne, aujourd’hui
l’industrie alimentaire n’en utilise guère plus que deux ou trois pour la
production de viande, deux issues de sélections répétées pour la production
laitière et trois ou quatre pour la production de veaux de boucherie . L’industrie, troisièmement, assurant enfin le
contrôle de la reproduction des espèces sélectionnées par un raccourcissant des
cycles naturels ( l’insémination précoce
permettrait un gain économique, un gain
de temps de travail, une accélération du
« progrès génétique » au sein du cheptel) au risque d’une
fragilité devant des maladies : on comptait il y a peu encore une dizaine de variétés de porcs alors qu’aujourd’hui celles qui sont élevées pour la consommation de masse
sont obtenues par des croisements successifs et par des sélections jusqu’ au
résultat désiré d’une ou deux espèces prolifiques dont la prise de poids est
rapide.
Des sociétés de conseil se sont d’ailleurs développées pour aider les
paysans dans cette transformation qui demande aussi de définir et de contrôler
les nourritures à même d’assurer « la fidélité de la standardisation du matériau » donc de développer des
cultures de plantes à leur tour standardisées.
Mais
s’emparer de la transformation industrialisée des produits agricoles en
aliments comme le fait le capitalisme n’a de sens qu’en créant un marché où se réalise le profit :
pour ce faire la production de nourriture, qui était, relativement, restée dans
la sphère des « mœurs de famille »[29], devait être extériorisée
(conserves, produits surgelés, plats préparés, restauration …). Reste que le
marché n’existe pas en soi, il n’a d’existence qu’autant qu’il est pris,
inséré, relié aux systèmes de relations sociales existant à un moment donné.
Dans
les années soixante, soixante-dix – période durant laquelle s’accélère et
s’étend la marchandisation d’une nourriture industrialisée[30] - d’extension de surface
cultivées en rationalisations, de rationalisations en sélection des espèces
végétales et animales, la chaine de production alimentaire connait donc
une expansion qui se continue
aujourd’hui. L’observation de Marx qui notait que « l’anéantissement
de l’industrie domestique du paysan peut seul donner au marché intérieur d’un
pays l’étendue et la constitution qu’exigent les besoins de la production
capitaliste »[31] vaut, à fortiori, pour
aujourd’hui où l’extension du salariat exige aussi l’extension du marché des produits
alimentaires donc la rationalisation de la production agricole. Dès lors la
mise en place d’une agriculture industrialisée était initiée. Comme cette
industrialisation ne saurait se passer de matières brutes, elle donne lieu à la
formation d’une nouvelle classe d’exploitants agricoles, les firmes
d’agro-business, pour lesquelles la production d’une agriculture destinée à la
production capitaliste provenant de toutes les parties du monde exploitables, devient essentielle. Cette production
rationalisée de produits agricoles destinés à l’industrie alimentaire détruit
certaines formes d’agricultures (la paysannerie) et la remplace par d’autres
(agro business de production de céréales, de viandes de boucherie, de production de lait, de poissons etc.[32]). L’agrobusiness est
une nécessité pour créer des salariés et ainsi des consommateurs !
Circulation des virus et mondialisation
Reste à expliquer la rapidité de la diffusion du virus de son
point de départ chinois vers l’Asie du Sud d’abord puis vers l’Europe
occidentale et vers les USA puis vers les continents sud américain et africain.
Tout se passe comme si l’intensité et la rapidité des échanges de marchandises
et de communications avaient augmenté la diffusion du virus[33]. La carte des premiers
clusters épidémiques qui correspond étroitement
à la carte de l’intensité de la circulation aérienne et maritime le
montre bien :
plus de 24 000 avions commerciaux (transportant des passagers) parcourent le
monde. En 2018, ces avions ont réalisé plus de 38 millions de vols vers l’un
des 3 500 aéroports. 9 milliards de tonnes de
marchandises sont transportées par bateaux ; le transport maritime
représente 80% du transport mondial. En 1973 289 926 navires transportaient des
marchandises, 1 040 000 navires en 2011. C’est dire que la mondialisation
contribue à la diffusion de l’épidémie.
La
mondialisation des intérêts économiques, autre manière de dire extension sans
limite du capitalisme (l’envahissement de l’espace céleste par les satellites starlink
d’Elon Musk, déjà concurrencés par ceux d’Amazon et de Greg Wyler, en étant un
bel exemple) est, en effet, le seul secteur des pratiques sociales où la
« globalisation » soit très avancée. La mondialisation de plus en plus rapide et de plus en plus intense des échanges
commerciaux est organisée par des
rapports de domination nés dans les structures sociales du capitalisme La pandémie actuelle, parce qu’elle amplifie
la crise en arrêtant, temporairement, la course, est en quelque sorte un
révélateur de ces rapports de domination en objectivant, à la fois et en même
temps, les méfaits environnementaux et
sociaux de la mondialisation capitaliste et la nécessité pour le capital
d’augmenter les profits en s’étant emparé de la
chaine de production alimentaire. De fait la mondialisation capitaliste
transforme morceaux par morceaux la réalité des pratiques : ici en diminuant la
place de l’Etat, ailleurs en soumettant la production de la pensée à des
orientations utilitaristes, là en réduisant le droit du travail, ailleurs en
créant « une armée industrielle de réserve » qui pèse à la baisse sur
le niveau des salaires , ailleurs encore en exploitant une main d’œuvre
abondante tributaire de salaires faibles et , partout, en transformant
toutes les pratiques sociales et tous les biens collectifs sans propriétaire en
objets aliénables amplifiant ainsi les inégalités entre les classes sociales.
Une
mondialisation organisée
Si les discours
font constamment l’apologie de la mondialisation c’est qu’ils masquent la seule
réalité vraiment en cours de réalisation, celle du champ économique et, en
particulier, celle du champ financier. Ils contribuent efficacement, en faisant
croire à l’inéluctabilité de la mondialisation et surtout à ses avantages, à
masquer le fait qu’une petite minorité de propriétaires du capital industriel
et commercial et de financiers internationaux, parmi lesquels les dirigeants
des fonds de placement des Etats-Unis tiennent une grande place, imposent leurs
volontés aux salariés des différentes parties du monde. Cette mondialisation
dépend, en effet, d’une part des transformations du mode de gestion avec
l’accentuation du pouvoir des actionnaires et d’autre part de l’intervention
des Etats qui, avec leur politique
économique, remettent en selle
le capitalisme chaque fois qu’il est menacé par ses propres excès. Dans ces
conditions les différents univers (intellectuel, politique, artistique,
religieux etc.) sont dominés par ce monde particulier qui, en s’imposant comme référence et en affirmant
ses codes et ses normes, réduit ainsi leur autonomie. Pour le dire autrement
les différentes pratiques sociales sont plus ou moins soumises au champ
financier international qui, en rétrécissant la part de liberté qu’entraîne la
coexistence d’univers ayant leurs propres règles de fonctionnement, impose une
domination qui présente toutes les caractéristiques d’un totalitarisme. On ne
peut, en effet, que constater que la diffusion politique d’un mode de
domination économique basée sur la déréglementation (visant à créer des marchés
concurrentiels là où existaient des régulations garanties par des institutions
d’Etat) et sur la financiarisation
(visant à permettre aux actionnaires de prendre toutes les décisions favorables
à l’accroissement de leur profit au détriment des investissements des
entreprises et du niveau des salaires) est l’élément déterminant de la
transformation de toutes les structures sociales. Comme ce système s’est
propagé des USA vers l’ensemble des pays européens et des Etats qui en dépendent on doit bien admettre qu’il s’agit, au
départ, d’une manifestation de la domination des Etats-Unis, ce qu’en d’autres
temps on aurait appelé
l’impérialisme nord-américain.
Plus précisément il s’agit d’une « universalisation
des caractéristiques particulières d’une économie immergée dans une histoire et
une structure sociale particulière, celle des Etats-Unis. »[34]
Dans ce cadre les économies des pays en
voie de développement soumises aux « plans d’ajustement structurel »
ont été obligées de mettre à mal leurs marchés domestiques et concomitamment
tous les modes d’organisation sociales qui les structuraient[35]
sachant que leur endettement (le plus
élevé jamais atteint avec 67 000 milliards de dollars - Cnuced 2019
-) les soumet au pouvoir des préteurs.
Ce sont bien les Etats et les
organismes internationaux qui exécutent leur volonté qui ont permis cette
mondialisation financière qui, à son tour, organise le développement d’un champ
économique international qui impose ses orientations aux peuples dépossédés de
tout contrôle politique. Et ceci depuis
les débuts mêmes du capitalisme : à l’arrière pays rural d’abord puis aux
peuples colonisés ensuite et maintenant à l’ensemble de la planète en attendant
de s’implanter dans d’autres mondes. Les travaux de Lénine et de Rosa Luxemburg
sur l’accumulation du capital et le développement de l’impérialisme, menés
avant la première guerre mondiale, montrent on ne peut mieux que cette question
apparaissait comme centrale aux militants politiques qui pensaient pour l’une
que la guerre en était le débouché probable et pour l’autre que la
concentration du capital atteindrait un point tel qu’elle entrainerait son
« élimination ». Aujourd’hui
Il suffit pour comprendre l’intrication entre les politiques étatiques
et les politiques économiques de rappeler que,
progressivement, les divers mécanismes de contrôle et de régulation ont
été démantelés ; aux USA a été voté
le Financial Services Modernization Act qui abrogeait les dispositions de contrôle
des activités financières mises en place après la crise de 1929. Reste qu’une extension du capitalisme à
l’agriculture, n’a pu se réaliser qu’avec la création en 1948 du GATT (General
Agreement on Tariffs and Trade) et plus
tard de l’OMC. Le Fonds
monétaire, FMI, et l’organisation mondiale du commerce, OMC, en effet n’ont pas été en reste dans cette
libéralisation de la finance. Le General
Agreement on Trade in Services et le Financial
Services Agreement ont contribué à supprimer toutes les régulations. Les Etats
européens, de leur côté, soutiennent « une concurrence libre et non
faussée » qui n’est pas non plus pour rien dans la dérégulation et déréglementation de l’économie. Les Etats contribuent aussi à
réparer les défaillances du système comme le montre le fait que le 2 avril
2009, se soit terminé le sommet du G20 (regroupant les vingt chefs d’Etats les
plus puissants de la planète) qui a
tenté, en réorganisant le cadre réglementaire pour que les
« marchés » fonctionnent au mieux, de renflouer un capitalisme menacé
de faillite par une spéculation financière désordonnée et sans limites. En
somme la domination économique des tenants du néo-libéralisme ne peut durer
qu’autant qu’elle est à même d’imposer la mondialisation.
Cette mondialisation du capital
entraine une réorganisation géographique des positions sociales d’une part et
une transformation de leur organisation symbolique. Réorganisations
géographiques d'abord avec les déplacements de populations plus ou moins
appauvries, si ce n'est affamées, par les conséquences des plans d'ajustements
structurels du FMI, vers les zones plus favorisées. Réorganisations sociales, ensuite, là où les
gouvernements promeuvent des législations qui visent à « maîtriser »
l'immigration si ce n'est à s'en protéger en érigeant de véritables
forteresses quitte, en même temps, à favoriser l’émigration ; ailleurs,
quand les flux migratoires internationaux sont impossibles ou interdits, les
déplacements de populations paupérisées grossissent les villes d'une périphérie de bidonvilles ou, au mieux,
de banlieues qui disposent de main d’œuvre
à bon marché. Transformations symboliques ensuite, dans la mesure où les
tenants du pouvoir savent mieux que quiconque reconvertir leurs anciennes
manières de faire en compétences nouvelles plus à même de leur permettre
de dominer l'international. Comme le dit
Anne Catherine Wagner[36]
il n'y a pas, pour les élites, à choisir entre une consécration nationale ou
une reconnaissance internationale : la légitimité internationale vient toujours
s'ajouter à l'excellence nationale confortant ainsi les positions dominantes
en leur permettant de maîtriser la
mondialisation.
Les multinationales
et les fusions-acquisitions
Les
multinationales sont nées de processus de fusions-acquisitions qui se sont
accélérés après la déréglementation financière organisée, dès 1981, par le
gouvernement Reagan et, en France, dès 1986, par les mesures Bérégovoy. Restent
qu’elles sont plus anciennes comme le notait Lénine dans son étude des fusions
bancaires et des acquisitions par les banques d’activités industrielles à la
fin du XIX e siècle et au début du XXe[37].
Rien ne le montre mieux que les fusions acquisitions dans l’industrie
électrique : au début XXe siècle existaient 7 compagnies électriques en Allemagne, cinq
en 1905, et deux en 1912. Ces
fusions-acquisitions se sont accrues à un rythme élevé depuis 2004, augmentant
de 88 % de 2004 à 2005 pour atteindre 716 milliards de dollars. Elles ne
se mettent en place qu’avec l’appui des experts des banques et des fonds de
placement qui, en dernier ressort, investissent directement dans l’opération ou
la financent sous forme de prêts. Comme exemple d’investissement dans l’agrobusiness
on peut citer le fonds de placement LMBO qui
a créé une filiale Agro Ed qui achète
des milliers d’hectares au Bénin, en Guinée, au Mali pour cultiver une plante destinée à être
transformée en carburant, ou l’assureur AXA qui a investi dans un fonds
spécialisé dans la location de terres agricoles en Ukraine, ou encore le Crédit Agricole et la Société Générale qui ont mis en place le
fonds Amundi Funds Global
Agriculture pour acheter des terres et le Baring Global Agriculture Fund pour investir dans les sociétés agroindustrielles.
Cette nouvelle croissance des concentrations
financières s’est notamment opérée grâce
à 141 «méga-transactions» d’une valeur supérieure à 1 milliard de dollars, et
grâce aux investissements de fond communs de placement[38]. La dimension financière
est centrale dans les investissements directs étrangers (IDE) dans la
production alimentaire des pays émergents passant, comme le chiffre la Cnuced, de 600 millions de dollars
chaque année vers 1990 à 3 milliards de dollars en 2007-2008[39] . Le capital « fictif »,
comme le dénommait Marx, prélève des bénéfices toujours croissants sur les
opérations de fusion-acquisition et sur les émissions de titres qui s’ensuivent[40].
Les multinationales qui résultent de ces processus concentrent un capital
financier conséquent (la capitalisation boursière des 100 plus grandes entreprises
dépasse les 20 000 milliards de dollars). Ces fusions-acquisitions
permettent une augmentation
de « la valeur actionnariale » en améliorant la rentabilité
des capitaux investis : elles distribuent des dividendes en
hausse (en France les dividendes ont augmentés de 47 milliards d’euros en
2017 à 51,8 milliards en 2019 ; dans le monde les 1200 plus grandes
entreprises ont distribué 328 milliards de dollars en 2017 soit 14, 5 % de plus
que l’année précédente).
Les dirigeants des multinationales savent
faire appel à, des « cabinets conseils », » cabinets
d’experts », « bureaux de consultants » qui prospèrent sur ce
type de pratiques en y important et imposant des modes de pensée spécifiques (Total
Quality Managment ; Just in Time ;
Business Process Reengineering; Efficient Consumer Response ; Economic Value Added ; Extended Producer Responsability...)car,
dans toutes ces opérations de fusion-acquisition, les coûts de changement
(difficultés managériales, restructurations ou démantèlements des collectifs, éviction d’anciennes équipes
et reconstitutions de nouvelles dévouées, élimination de doublons, inquiétude
devant d’éventuels licenciements, création d’une langue et de normes
communes...) sont particulièrement élevés. Reste que toutes ces opérations se soldent par un
renforcement du pouvoir des directions.
Il est vrai que ces opérations de fusion-acquisition ne fonctionnent que
parce qu’elles comblent la « libido dominandi » des dirigeants qui
cherchent à conquérir des espaces, des corps et des idées. La guerre en
est souvent le modèle sous jacent
(l’incarcération au Japon de Carlos Ghosn le patron du conglomérat automobile Renault –Nissan l’illustrerait bien).
Cette volonté de
pouvoir n’est pas indépendante des rapports entre les Etats ; si à la fin
du XIXe siècle quatre pays ( les Etats-Unis, la France, l ’Allemagne et
l’Angleterre ) rassemblaient les sociétés les plus puissantes, en 2003, les 750
premières multinationales étaient issues
des USA, de l’Angleterre, du Japon, de l’Allemagne, de la France, de la Suisse,
des Pays Bas, de la Suède , du Canada ; en un siècle les USA ont confirmé
leur suprématie, les pays européens sont plus nombreux à dominer le monde, le Japon a pris une place
importante. C’est dire que le capital
financier issu des pays qui ont dominé le monde est aujourd’hui une
des formes qui permet de continuer d’exercer
une emprise sur d’autres
régions. Les compromis et même les complicités entre les dirigeants des plus grandes firmes multinationales
et les instances politiques nationales et internationales y contribuent
fortement. Les allers et retours entre les unes et les autres sont nombreux
comme le sont les subventions offertes par des Etats aux firmes. Cette extension montre aussi que l’exportation des capitaux a accéléré le développement du capitalisme dans
les pays vers lesquels elle s’est dirigée, amenant ainsi le capitalisme à
s’étendre dans une plus grande partie du monde. Il faut dire que nombre d’Etats
des pays émergents y contribuent en développant des politiques de d’implantation des firmes d’agrobusiness comme le font, par exemple, d’autant plus les pays
d’Afrique de l’ouest qu’ils y sont fortement incités par la Banque mondiale.
Ces
multinationales organisent le commerce
international. « En 1995, l’ONU comptabilisait environ 44 000 firmes
multinationales avec près de 300 000 filiales étrangères. En 2005, elle en
dénombre 77 000 possédant plus de 770 000 filiales étrangères (Cnuced, 2006).
Par leur activité, ces firmes multinationales sont porteuses d’une grande part
des échanges entre les pays. Aujourd’hui, les deux tiers du commerce mondial
seraient sous le contrôle des 200 premières multinationales (un tiers
d’échanges internes entre les unités des groupes et un tiers entre ces groupes
et leurs fournisseurs ou diffuseurs externes) (Cnuced, 2002). »[41] On retrouve, là, les avions, les bateaux, les camions qui
circulent d’un bout à l’autre du monde.
Dans le domaine agricole :
multinationales d’agro business et firmes alimentaires
La production agricole est maintenant dominée par des
multinationales alimentaires. Le
phénomène des grandes exploitations du sol est ancien : il débute sans
doute avec les grandes plantations esclavagistes au XVII-XVIIIe siècle mais
c’est vers 1880 que de grandes fermes se
développèrent aux USA utilisant toutes les ressources de la mécanisation et
ruinant les fermiers indépendants à tel
point qu’en 1891 deux millions et demi de fermiers avaient
hypothéqué leur propriété[42]. Si, au début du
processus de fusion acquisition, il
était encore possible de différencier
les firmes d’agrobusiness qui tiraient leurs profits de leur maitrise du marché
des intrants et de la production, des firmes alimentaires qui tiraient leurs
profits de la distribution et de la transformation, ce n’est plus guère possible aujourd’hui où
les firmes alimentaires ont acquis la production et où les firmes
d’agrobusiness ont acquis des sociétés
de transformation et de distribution. Ainsi, le céréalier Cargill achète du soja aux agriculteurs
brésiliens pour ensuite l’envoyer en Angleterre vers sa filiale Sun Valley. Cette entreprise
"booste" des poulets au soja puis envoie la viande vers les Mac Do du monde entier. C’est dire qu’il y
a interpénétration des deux secteurs et construction de monopoles sur l’ensemble
de la chaine alimentaire. Dorénavant
l’industrie agro-alimentaire se situe au premier plan de l’industrie
manufacturière dans de nombreux pays. À l’échelon de la planète, elle est loin
devant l’automobile ou l’électronique[43].
Ces multinationales de l’agrobusiness
contrôlent les quatre principaux
marchés, marché des intrants, marché de
la production, marché de la
transformation, marché de la
distribution.
Le marché des intrants (semences, engrais, pesticides…) est
contrôlé par dix firmes qui assurent
100% du marché des semences génétiquement modifiées (appelées également
"transgéniques") soit: Monsanto
(États-Unis), DuPont/Pioneer
(États-Unis), Novartis (Suisse), Limagrain (France), Advanta (Angleterre et Hollande), Guipo Pulsar/Semons/ELM (Mexique), Sakata (Japon), KWS HG
(Allemagne) et Taki (Japon). Six firmes contrôlent 77% du marché des produits
chimiques pour l’agriculture : Bayer, Syngenta, BASF, Dow, DuPont, Monsanto. Pour ce faire ces firmes font appel à la biologie (élaboration de variétés par des sélections et de
modifications génétiques) et en
particulier à toutes les ressources de la sélection demandant sans cesse que
les laboratoires (publics et privés) se convertissent à traiter leurs demandes.
Monsanto[44], par
exemple, a déboursé l’année dernière 930
millions de dollars (854 millions d’euros) pour racheter The Climate Corporation,
une entreprise de "big data" dont l’application permet
aux agriculteurs de recevoir en temps réel des informations agronomiques et
météo ultra-détaillées à l’échelle de chacun de leurs champs[45].Les
fondations Rockefeller et Bill
& Melinda Gates ne sont pas en reste pour vendre des applications
sophistiquées. Le capitalisme numérique sait se joindre au capitalisme
agricole ! Il est vrai que tous les Etats mettent leurs instruments au service des firmes. Rien ne le montre mieux que les orientations
données, en France, par le ministère de
la recherche et de l’enseignement supérieur et par le ministère de l‘agriculture, aux
laboratoires des écoles et de universités de servir l’agrobusiness . Ainsi ont été créé des instituts techniques
agroindustriels, soit des organismes de recherche technologique, d’expertise, d’assistance
technique et de formation, au service des entreprises et en particulier des
PME. Les laboratoires de biologie des universités ont d’autant
plus de chances d’obtenir des crédits
qu’ils s’inscrivent dans des thématiques proposées par le ministère
alors que l’Institut National de Recherche Agronomique, (INRA) a été invité à
développer des recherches plus en phase avec les demandes des entreprises
alimentaires . La mise en place des
pôles de compétitivité, autour de «projets collaboratifs innovants
recherche » répond au même objectif. La recherche doit servir l’économie.
Les multinationales
s’efforcent aussi de contrôler le marché des terres agricoles et de la
production avec l’appui des Etats intéressés par les possibilités de
domination qui s’offrent là. Au Brésil, le groupe Louis-Dreyfus a pris possession de près de 400 000 hectares de
terres destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Ses filiales Calyx Agro ou LDC Bioenergia se sont accaparé des
terres en Uruguay, en Argentine et au
Paraguay. Il achète, achemine et revend
du blé, du soja, du café, du sucre, des
huiles, du jus d’orange (le jus
d’orange provient d’une propriété de 30 000 ha au Brésil), du riz et du coton,
via sa branche de négoce, Louis-Dreyfus
Commodities. Il a ouvert en 2007 la plus grande usine au monde de biodiesel
à base de soja, à Claypool, au États-Unis (Indiana)[46]. De leur côté, Danone et Lactalis, spécialisés
dans les produits lactés, Sodexo et Elior,
firmes de la restauration, Auchan, Carrefour et Casino, sociétés de la grande distribution, détruisent, la forêt
amazonienne, la savane du Cerrado au Brésil et la région du Chaco (Brésil,
Argentine, Paraguay) pour y produire du soja. En Asie du sud-est, la production
d’huile de palme, de caoutchouc, de
fibres pour la pâte à papier, entraine, de la même façon, des achats de terres
et des déforestations. Des luttes nombreuses sont d’ailleurs engagées pour s’y
opposer :le groupe groupe brésilien Benevides Madeiras a été condamné pour
déforestation illégale en Amazonie ; au Cambodge, des paysans dépossédés comme
les paysans Bunong s’engagent dans des batailles juridiques ; les paysans
du Cameroun luttent contre
l’implantation ou la gestion de palmeraies par le groupe Bolloré ; la coordination paysanne au Mali réclame une autre
usage de l’eau que celui préconisé par la Société
du Niger.. Il est vrai que la production agricole rapporte : comme le
faisait savoir la Deutsch Bank « le
maïs est plus rentable que l’or ! »
L’Afrique est mise en coupe réglée. Pour cela
la première attaque a été juridique. Il fallait
créer un droit de propriété pour simuler une forme de légalité. Cela avait été
le cas en Algérie ( instauration d’un droit de propriété dès 1831, senatus consult de 1863, loi foncière de
1873, loi de propriété foncière de
1897…), comme ce fut le cas en
Afrique de l’ouest où les colonisateurs ont essayé de lutter contre l’usage
coutumier des sols en déclarant les terres qui, à leurs yeux, étaient « non immatriculées » « comme vacantes et sans maitres ».
Cette politique n’a guère réussit pour autant à introduire la vente des sols (1% seulement furent immatriculées dans
l‘Afrique de l‘Ouest. Il faudra, deuxième attaque, les injonctions de la Banque
Mondiale, à partir de 1990 environ,
(obtempérer était une nécessité à qui voulait
obtenir un prêt), pour que les Etats
indépendants promulguent des législations de « sécurisation »
attribuant la terre à ceux qui l’achètent[47] : Burkina Faso 1996,
Côte d’Ivoire 1998, Tanzanie 1999, Sénégal 2004, Angola 2004, Madagascar 2005,
Mali 2006, Benin 2007…).Dès lors l’achat de terres par les multinationales de
l’agrobusiness et par des firmes nationales devenait possible : les
multinationales pouvaient s’implanter et les entreprises d'État chinoises
acquérir ou louer de plus en plus de
terres agricoles[48].
On estime à 134
millions d’hectares la surface ayant fait l’objet de transaction en Afrique
entre 2000 et 2010 (soit l’équivalent du Tchad, deuxième plus grand pays
d’Afrique sub-saharienne)[49]. Au Sénégal, par exemple, outre la production
d’arachide largement imposée par les multinationales de produits alimentaires,
des sociétés étrangères acquièrent de grandes superficies et y imposent leur
production : la société indienne Sénégindia investit près du fleuve Sénégal pour produire à grande
échelle de la pomme de terre[50].
Une ferme de plus de mille vaches est en cours d’installation par Danone près de Kaolack[51],
des investisseurs privés italiens se sont porté acquéreurs de plus de
20 000 hectares dans la région de Podor pour produire des plantes pour
fabriquer des carburants.
Entre la production et la distribution
d’autres multinationales contrôlent le marché de la transformation comme le font Danone,
Nestlé, Coca Cola… L’histoire du
groupe Danone est un bel exemple de fusions-acquisitions : le groupe Gervais-Danone a progressivement acheté
des sociétés productrices de pâtes alimentaires, de son côté le groupe Boussois-Souchon-Neuvessel spécialisé
dans le verre et les emballages achetait des marques de bière, d’eaux minérales
et de nourriture infantile ; en 1973 les deux groupes fusionnaient pour
former BSN-Danone achetant des marques de brasserie, de confiserie, de
biscuiterie puis des marques de produits surgelés et de conserves de
légumes ; devenant le groupe Danone la firme s’implante à l’étranger avec, entre
autres, des achats en Chine. Par la
suite Danone vendra des marques pour acheter de l’agro-alimentaire aux USA,
pour s’implanter en Amérique latine, en
Asie, en Afrique du Nord, en Europe centrale et pour entrer à la bourse de New
York ; cette politique de vente se poursuit aujourd’hui pour continuer de
s’implanter en Afrique (Kenya, Togo, Côte d’Ivoire, Nigéria, Ghana…) et dans la
nourriture infantile…
Enfin, les multinationales contrôlent le marché de la distribution,
sans aucun doute le stade de la chaîne d’approvisionnement le plus concentré.
Des chaînes de supermarché comme Wal-Mart, ( 510 milliards de dollars de
chiffre d’affaire), Kroger, Carrefour, Tesco, Ahold Delaize, Casino… exercent un véritable pouvoir[52]avec leur centrales d’achat pour contrer la puissance d’achat des grands
fournisseurs de marques tels que Nestlé,
Danone, Mondelez, Unilever,… et
affronter la concurrence avec les autres distributeurs. La plupart des
entreprises de distribution ont créé, ou se sont affiliées à des centrales
d’achats, prenant totalement ou partiellement en charge les approvisionnements
de leurs magasins en pesant sur les prix
imposés aux producteurs[53].
Reste qu’il n’y a pas de commerce
neutre et qu’en contre partie du soutien des Etats les firmes
se doivent d’ afficher leur
pavillon national, et ainsi de s’insérer dans les stratégies de puissance des
Etats qui, avec l’agro-business, instaurent une domination des anciennes colonies et des pays soumis à
leur puissance financière et
militaire.
Conséquences
La
transformation de la nature est,
évidemment, une conséquence directe d’un développement capitalistique de
l’agriculture avec son lot de déforestations, de détournement des cours d’eau,
d’assèchement des zones humides, d’irrigation forcée etc. et aussi une pollution généralisée par
les pesticides,
une eutrophisation également généralisée,
ainsi qu’une perte massive de biodiversité et
d'agrobiodiversité, accompagnée de
phénomènes de dégradation et d'érosion des sols,
de salinisation voire de perte de nappes phréatiques[54].
La réduction des espaces de vie des animaux sauvages rapproche les survivants
des espaces occupés par les animaux domestiqués et les humains rendant les
contaminations d’autant plus probables que les modes de vie des populations
locales sont bouleversés. Reste que le capital des pays occidentaux ne payera
pas le coût des dégâts de l’environnement.
Le développement de cette
agriculture industrialisée entraine partout où elle achète ou loue des terres
une expropriation des paysans qui vivaient là et concomitamment un déracinement
des populations pressées à acheter les produits de cette nouvelle industrie
agro alimentaire. Facteurs climatiques et extension de l’agrobusiness se mêlent
et suscitent des déplacements très importants de populations qui, eux-mêmes, se
combinent vite à des facteurs idéologiques (religieux et politiques) qui, en attisant des conflits, amplifient
les déplacements. Abdelmalek Sayad et Pierre Bourdieu avaient raison de dire
que la confrontation d’une petite agriculture traditionnelle et d’une
agriculture industrialisée d’une part et la guerre d’autre part induisaient
l’émigration. Celle-ci peut atteindre des proportions importantes comme en
Afrique où 12 millions de personnes se seraient déplacées pour des motifs
économiques qui mêlent effets d’exploitations intensives de la terre et
transformations climatiques[55] ; comme en Amérique
latine où l’agriculture d’exportation (modèle
ancestral des multinationales de l’agrobusiness) de la canne à sucre, du café,
du riz, du coton… a d’abord fait appel à la main d’œuvre importée des esclaves[56] puis - lorsque la
mécanisation des entreprises agricoles est survenue[57] - a exporté de la main
d’oeuvre vers les villes- ne gardant que des ouvriers agricoles saisonniers ;
comme en Asie du Sud –Est où quand les zones rurales sont « passées d’une économie et d’une société fermées avec une large
part d’auto subsistance à … une société ouverte au monde et à une économie de
marché. [58]» il y a eu une appropriation
et une concentration de la propriété des
terres pour assurer la commercialisation des produits agricoles qui a entrainé la migration vers les villes.
Croissance démographique aidant, les pays d’Asie du Sud Est ont d’ailleurs adopté des politiques d’exportations conséquentes de main d’œuvre comme cela avait
été le cas ailleurs[59].
L’expulsion, la
paupérisation, le déplacement forcé des populations, les difficultés
d’existence des petits paysans ou des pécheurs indépendants… affectées par les
emprises des multinationales de l’agrobusiness, forment donc
le lot de la seconde conséquence. En attendant que la grande part
des populations d’Afrique, d’Asie ou
d’Amérique centrale ou du sud trouvent un emploi salarié et se transforment en
consommateurs des produits de
l’agrobusiness et de l’industrie capitalistes, il leur reste, pour une minorité à devenir la main d’œuvre
mal payée des grandes firmes d’agrobusiness , pour le plus grand nombre à vivre
d’expédients divers en tentant de revendre les excédents ou les rebuts de la
surproduction capitaliste, pour quelques un.e.s à devenir salarié.e.s des
entreprises travaillant pour les multinationales et , pour d’autres à émigrer et à devenir une main d’œuvre
soumise vivant dans les conditions d’existence difficiles dans ces zones de
relégation que sont les banlieues des grandes agglomérations.
La situation des
travailleurs ayant vendu leurs terres aux sociétés productrices d’huile de
palme au Guatemala est à ce titre exemplaire. Forcés de vendre à la suite de
manœuvres diverses, ils ont été embauchés par les sociétés
d’agrobusiness : quelques uns sont travailleurs permanents, d’autres « travailleurs permanents sans contrat »
et doivent renoncer aux prestations
sociales pour obtenir un emploi d’intérimaire quasi permanent, d’autres ont pu
conserver un lopin de terre et complètent leurs ressources par un emploi
saisonnier, les derniers enfin sont des travailleurs, travailleuses
occasionnel.le.s ou saisonnier.e.s recruté.e.s au loin, les quadrilleros, sans couverture sociale, qui, durant leur période
de travail, vivent dans des campements. Ces employé.e.s sont rémunéré.e.s le
plus souvent en dessous du salaire minimum légal, font des journées de travail
très longues, sont mal nourri.e.s[60].
Reste que le capital des pays dominants,
responsable de la situation, ne payera pas la reproduction de cette force de travail qui sera laissée au bon
vouloir des pays exploités qui ne peuvent l’assurer qu’en empruntant aux
banques des pays dominants, oscillants qu’ils sont entre une exploitation de style
précapitaliste de leur peuple aussi violente que celle qu’ont connue, au
XIXe siècle, les pays en cours d’industrialisation ou, pour faire face à la concurrence de pays voisins qui ont les
mêmes réserves de main d’œuvre à bon
marché, une soumission accrue aux dictats politiques et
économique des pays et des multinationales donneurs d’ordres.
La grande distribution en fin de chaîne n’est
pas en reste. Elle entraine d’abord une
disparition d’emplois, (Jayati Ghosh remarque que, en Inde, pour un
emploi crée dans une grande chaîne de distribution alimentaire 17 à 18 petits négociants sont « déplacés »[61])
Ensuite
la standardisation crée des
produits qui, lorsque la volonté de profit l’emporte, peuvent se retrouver
fragilisés en multipliant les risques d’accidents pour les travailleurs de
cette industrie et pour les consommateurs comme le montre bien l’étude de
« l’Encyclopédie de sécurité et
santé au travail dans l’industrie alimentaire » publiée par le Bureau International du Travail ( B.I.T.
)[62] Ce qui est
peut-être gagné en sécurité dans la chaine alimentaire avec le contrôle des
produits (encore que les épisodes de lait et fromages contaminés par la
listeria montrent la fragilité de la chaine de production[63]) et surtout dans leur
conservation avec la réfrigération (encore qu’il y ait eu 104
accidents/incidents de réfrigération entre 1992 et 2009[64]) est, en quelque sorte,
perdue au centuple avec la fragilisation des intrants aux virus et bactéries.
Il ne s’agit plus d’animaux avec
lesquels une relation s’installait, obligeant à une surveillance individualisée,
mais d’objets qu’il faut standardiser et
qui sont soumis à des procédures mécaniques de surveillance pour assurer la
rentabilité de leur exploitation[65]. La fragilité que ces
opérations induisent les rend plus aisément atteints par les virus portés par
les animaux qu’ils sont amenés à côtoyer (rongeurs, chauves –souris…). Pire
cette fragilisation se trouve amplifiée par des pratiques de consommation
suscitées par les entreprises agro-alimentaires (additifs gustatifs qui créent
une quasi addiction) qui ne sont pas sans rapport avec l’augmentation de
l’obésité. et, partout où elle
crée des marchés, une augmentation des diabètes, de l’obésité, des maladies
cardio-vasculaire…
Tout se
passe donc comme si la recherche du
profit de l’agrobusiness facilitait les
rencontres entre des populations déracinées et des animaux sauvages sans abris,
et, ainsi, sans le vouloir expressément bien entendu, pouvait, indirectement, contribuer à ouvrir la voie aux virus. Les
modes de domination intensif des
populations qui travaillent dans les firmes d’agrobusiness sont assez comparables à ceux qui existaient
dans les premières grandes exploitations que furent les plantations -
l’intensité de la violence physique en
moins (ce qui ne l’empêche pas ici et
là) - mais alors que celles-ci
importaient des esclaves celles-là exportent des travailleurs. Tout se
passe donc comme si d’autres populations, déjà déracinées et
prolétarisées, installées dans la banlieue des mégapoles, bien éloignées maintenant
des animaux sauvages, avaient le plus de
probabilités de souffrir des virus libérés. En somme la boucle est
bouclée !
Conclusion
[1] Karl Marx, le Capital, Paris, Gallimard, folio, livre I, P. 546
[2] Tout se
passe comme si l’Etat qui contrôlait
déjà les têtes et les corps des
enfants et des adolescents par l’éducation étendait son emprise sur les
adultes.
[3] Lacroix
Audrey, La détection et la
caractérisation de coronavirus et astrovirus chez les chiroptères du Cambodge
et du Laos, Université de Montpellier, Thèse, 2016
[4]< https://prodinra.inra.fr/record/373566>, Payne Ariane, Barbier
Elodie, Le rôle des animaux sauvages et de l’environnement dans la circulation
du Mycobacterium bovis, agent de la tuberculose bovine, Premier cru, les news du centre INRA de Dijon, 2015
[5] Wallace
R. et al., Clear-Cutting
Disease Control: Capital-Led Deforestation, Public Health Austerity, and
Vector-Borne Infection, Springer, 2018.
[6] Shaw
S., Contre les pandémies, l’écologie, Le
Monde diplomatique, 2020, mars, n°792
[7] Johnson , P. L. Hitchens, Pranav S. Pandit, Julie Rushmore, Tierra Smiley Evans, Cristin C. W. Young, Megan M. Doyle, 2020, Global
shifts in mammalian population trends reveal key predictors of virus spillover
risk, Proc.
R. Soc. B, 287, 2019, 2736 <http://doi.org/10.1098/rspb.2019.2736>
[8] Vandermeer J.H. The ecology of
Agroecosystems. Jones et Bartlett, 2011;
[9] Graham, J. P., Leibler, J. H.,
Price, L. B., Otte, J. M., Pfeiffer, D. U., Tiensin, T., & Silbergeld, E.
K. (2008). The Animal-Human Interface and Infectious Disease in Industrial Food
Animal Production: Rethinking Biosecurity and Biocontainment. Public Health Reports,
123(3), 282–299. <https://doi.org/10.1177/003335490812300309>
[10] Pour un
exemple au Mali voir the Oakland
institute et la Coordination nationale des organisations paysannes, A qui profitent les investissemenst fonciers
à grande échelle au Mali IN
[11] Conférence
de Philippe Sansonetti au Collège de France le 16 mars 2020 en partie publiée
par La vie des Idées.
[12] Mindi
Schneider, « Wasting the Rural: Meat, Manure, and the Politics of
Agro-Industrialization in Contemporary China », Geoforum, n°78, 2017.
[13] La
sociologie du sport menée à l’université de Strasbourg a bien montré que les capacités physiologiques
variaient avec les situations sociales des agents.
[14] Les
chercheurs italiens ont émis l’hypothèse que la pollution de la Lombardie
pouvait avoir fragilisé les populations vivant là.
[15] Canard
B., la science fondamentale est notre meilleure assurance contre les épidémies,
Le journal du CNRS,
23 /03 /2020.
[16] Il y a vingt ans, 80 % de la production de porc
chinois provenaient des petites fermes ; aujourd’hui, ce sont les grandes
fermes spécialisées et les méga fermes industrielles qui produisent 80 %
du porc.
[18]
Les politiques menées à Cuba ont permis
d’améliorer considérablement le niveau de vie des populations alors qu’au Venezuela des politiques de lutte contre la
paupérisation doivent faire face à une situation catastrophique héritée du passé.
[19]Davis
M., Le pire des mondes possibles. De l
explosion urbaine au bidonville global, Paris, La découverte, 2005
[20]Mesrine A., La
surmortalité des chômeurs : un effet catalyseur du chômage ?, Économie et statistique, 2000, n° 334.
[21]
Montlibert Ch.de, La violence du chômage, Strasbourg, Presses Universitaires de
Strasbourg,
[22] Bourdieu P., Sayad A., Le déracinement ; la crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie, Paris, Editions de minuit, 1964.
[23] Levin
M. L’État et les classes sociales en URSS 1929-1933, Actes de la
recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°1, février 1976.
[24]
Luxemburg R. L’accumulation du capital,
l’explication économique de l’impérialisme, Marseille, Agone, 2019,
(première édition 1913). Bourdieu P., Sayad A., Le déracinement, Op.cit.
[25]
Bourdieu P., Algérie 60, Structures économiques et structures temporelles. Paris,
Editions de minuit, 1977, 124 P.
[26] Sayad
A., L'Immigration, ou les paradoxes de
l'altérité, De Boeck Université, 1992, 331 P.
[27] Sayad A., La double absence ; des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Op.cit.
[28] Marx
K., Engels F., L’idéologie allemande,
Paris éditions sociales 1968, (1ère édition 1859)
«prenons par exemple la question
importante des rapports de l’homme et de la nature… comme s’li y avait là deux
« choses »disjointes, comme si l’homme ne se trouvait pas toujours en
face d’une nature qui est historique et d’une histoire qui est naturelle»
[29] Karl Marx
utilisait cette expression pour designer les pratiques domestiques destinées à être remplacées par des produits
industriels.
[30] Si de nombreux films ont été réalisés sur la fin des paysans, la littérature est moins diserte sur ce
thème.
[31] Marx K. Le Capital, op.cit., P.757
[32] En France la fin des
exploitations agricoles
« traditionnelles » remonte aux années cinquante ;
« l’exode rural » avait certes commencé bien avant pour fournir la
main d’œuvre industrielle mais s’est
accéléré avec le développement de
l’industrie alimentaire convoitant ce marché qui nécessitait une main mise sur
une production rationalisée des produits agricoles.
[33] Le
tourisme qui conduit des cohortes d’humains dans des espaces habités par des
animaux sauvages contribue aussi à la
dissémination des virus.
[34] Bourdieu
P., « Unifier pour mieux dominer » Contre-feux 2, Paris, Raisons d’agir éditions, 2001.
[35] Bayor
K., La réglementation de la nature : la construction de l’appareil administratif
de gestion de l’espace rural au Togo,
Regards Sociologiques, 1997, n° 14.
[36] Wagner
A-C., Les classes sociales dans la
mondialisation, Paris, La Découverte, 2007.
[37] Lénine
V.I., L’impérialisme stade suprême du
capitalisme, Paris, Editions sociales,
1945 (1e édition 1916)
[38] Rosenblat C., Les entreprises multinationales : un
processus urbain dans un environnement international et transnational, L'Information géographique 2007/2
(Vol. 71), pages 43 à 66
[39] Delcourt L., Les dynamiques d’expansion de
l’agro business, IN Alternatives Sud,
Emprise et empreinte de l’agrobusiness,
Paris, Editions Syllepse, 2012.
[40] Le
capital financier prélève aussi des bénéfices sur les emprunts d’Etat
[41]
Rozenblat C., Les entreprises multinationales : un processus urbain dans
un environnement international et transnational, op.cit.
[42]
Luxemburg R., l’Accumulation du capital, contribution à
l’explication économique de l’impérialisme, Marseille, Agone, 2019, P.423
[43] Rastoin J-L, les multinationales dans le système alimentaire,
Revue Projet, 2008/6, n ° 307, pp. 61 à 69
[44] African
Centre for Biosafety, la main mise de Monsanto sur l’agriculture sud
–africaine, IN Alternatives Sud, Emprise
et empreinte de l’agrobusiness,
Paris, Editions Syllepse, 2012.
[45] https://reporterre.net/Quand-les-multinationales-de-l-agrobusiness-s-achetent-une-vertu-climatique
[50] <http://laviesenegalaise.com/tag/la-societe-senegindia-sarl>
[51]<http://www.kaolackois.com/kaolack/importation-de-1000-vaches-pour-am%C3%A9liorer-la-production-laiti%C3%A8re-officiel>
[55] On sait que les deux facteurs ne sont pas indépendants :
les transformations de la nature exigées par l’agro business entrainent des modifications locales du
climat : en Europe la suppression des haies, des boqueteaux au sommet des
collines, le comblement des mares entraine une diminution localisée des pluies.
[56] Selon les sources l’Amérique aurait importé entre 9 à 11 millions d’esclaves.
[57] Chonchol
J., Population , développement agricole et occupation de l’espace rural en
Amérique latine. IHEAL < https://books.openedition.org/iheal/1411?lang=fr>
[58] Bruneau
M., Mobilités, migrations et pauvreté en Asie du Sud-Est, <http://www.tamdaoconf.com/tamdao/wp-content/uploads/downloads/2010/08/Tam-Dao-2009-FR-SP5-Bruneau.pdf>
[59] Sayad A., L’immigration ou les paradoxes de l’altérité, De Boeck Université, 1992.
[60] Hurtado L, Sanchez G., Les agrocarburants au
Guatémala : accaparement des terres, spoliation des paysans et assujettissement au travail IN
Alternatives Sud, Emprise et empreinte de
l’agrobusiness, Paris, Editions
Syllepse, 2012.
[61] Ghosh
J., Pouvoir de la « grande distribution » alimentaire dans le monde
en développement, IN Alternatives Sud,
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