Newsletter Numéro 39                                                                                              22 December 2008

 

version française

Une lettre ouverte au Président iraquien Jalal Talabani

-- De la part du comité ad hoc des étudiants grenoblois pour une société démocratique

Une chaussure? ... une tarte?... un message !

BURST OF ANGER: Following the Iraqi journalist

"Shoe raised in Sadr City protest"

« Un dernier bisou, toi chien, de la part de toutes les veuves et tous les orphelins que tu as créé. »

 

Cher Monsieur le Président,

Muntathar al-Zaidi, le journaliste de 29ans qui avait lancé ses chaussures au président des États-Unis George W. Bush risque aujourd’hui une sévère condamnation allant de sept ans à quinze ans de prison pour tentative d’assassinat. La sévérité de cette peine est due au fait que le juge irakien interprète cet acte comme une tentative de « tuer » le président. Ceci veut donc dire que si Muntathar Al-Zaidi avait utilisé une arme à la place de ses chaussures et avait tiré sur le président et l’avait manqué, il aurait probablement été sujet aux mêmes accusations.

Le contraste flagrant entre ces deux situations démontre que le rapport officiel de l’acte se trompe sur toute la ligne, car l’objectif de l’homme n’était pas d’assassiner le président Américain, mais simplement de faire passer un message en le ridiculisant. En effet, ce geste symbolique du journaliste irakien nous évoque la longue tradition de « l' entartage » dans la culture occidentale. Cette coutume qui consiste à écraser une tarte à la crème sur un personnage public et impopulaire est souvent considérée comme le « dernier recours d’un individu pour faire entendre son opinion ». Aaron Kay, connu comme « l’entarteur », explique : « entarter est un moyen essentiel pour dégonfler ces politiciens et ces commentateurs pompeux. Je me considère comme un défenseur de la justice. Mais croyez-moi, j’ai encore une liste de personnes qui doivent être entartées ». Nombre de ses cibles ont été des politiciens et des personnalités publics, telles que le premier ministre Canadien Jean Chrétien, l’ancien sénateur démocrate Daniel Patrick Moynihan, l’ex chef de la CIA William Colby, le conservateur Phyllis Schlafy, le gouverneur libéral de la Californie Jerry Brown, l’économiste Milton Friedman, la liste est sans fin…

Petit à petit, cette coutume est devenu le moyen fétiche pour ridiculiser de puissantes personnalités et est devenu profondément ancrée dans la culture dissidente
occidentale. Son objectif principal n’a jamais été de blesser la cible physiquement, mais, comme le dit Rodney Barker : « de montrer au public que l’empereur ne fait pas l’unanimité ». En d’autres mots, entarter est surtout une attaque bénigne qui vise la dignité d’une personne afin de la faire chuter de son piédestal.

De ce point de vue, le parallèle entre le lancer de chaussure d’al-Zaidi et l’entartage est évident. Le geste d’al-Zaidi a été interprété différemment par les médias. Cependant le point de convergence des différentes versions est que cet acte est un de plus humiliant dans la culture arabe. Bien que ce soit une ultime tentative de la part des médias occidentaux, dans leur représentation essentialiste, de réduire la culture arabe à une entité monolithique, il cependant évident que le but de l’action de al-Zaidiétait de faire chuter l’ « empereur », ou plus exactement, le porte parole de l’oligarchie corporatiste américaine. En effet, al-Zaidi n’a pas crié « Allah Akbar » ou « mort au président » lorsqu’il a lancé ses chaussures l’une après l’autre mais a crié a plein poumon en traitant Bush de « kelb » (qui signifie « chien »), de ce fait, soulignant le message sous-jacent à son geste symbolique visant à rabaisser le président américain. En tant que tel, l’acte d’al-Zaidi ne devrait pas être vu comme une tentative de blesser physiquement le président, mais plutôt comme une réaction spontanée de la part d’une personne qui a assisté aux premières loges à la destruction de son pays, et le massacre de ses compatriotes « un dernier baiser de la part de toutes les veuves et les orphelins que vous avez générés ! ».

Vu sous cet angle, le signe de protestation de Muntathar al-Zaidi peut être interprété comme une renaissance d’humanisme longuement attendu en Irak, le retour d’une liberté d’expression. Dans les cas d’entartage aux Etats-Unis, la sentence la plus sévère a été prononcé à San Francisco par le juge Ernest H. Goldsmith contre trois entarteurs qui avaient tenté d’humilier le maire Willie Brown. Ils ont reçu chacun 6 mois de prison au pénitencier du comté, une mesure qui a été perçue comme « draconienne » par la plupart des citoyens de San Francisco.

De ce fait, nous pensons que le geste de Muntathar al-Zaidi devrait être interprété comme une façon de s’exprimer librement, un peu violente certes, mais comme le fait finement remarquer Asad Abu Khalil qui est professeur de politique l’université d’état de Californie, « l’homme aurait sûrement préféré des œufs et des tomates pourris s’ils étaient aussi faciles à faire passer aux contrôles de sécurité que des… chaussures ».  En résumé, condamner al-Zaidi à une si lourde peine revient à condamner la liberté d’expression, qui est le rouage essentiel d’une bonne démocratie. C’est pourquoi, nous autres, étudiants de Grenoble rejoignons la mobilisation massive afin de demander des garanties urgentes de la sécurité et du bon traitement ainsi que la libération aussi vite que possible du journaliste irakien, Muntathar al-Zaidi ; qui, d’après des sources crédibles, a déjà été victimes de coups sévères ainsi que d’autres abus de la part des services de sécurité irakiens.

Seule une intervention de votre part, Président Talabani encouragerait la liberté d’expression dans votre région. Nous pensons que cela contribuera à long terme au développement d’une démocratie florissante, qui a été la raison officielle de la politique étrangère de George W. Bush en Irak, c’est-à-dire : « exporter les bienfaits de la démocratie, de la liberté de parole, et des droits de l’homme au reste du monde ». Nous espérons que vous ne couperez pas court à cette cause avec un usage excessif de la force.

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English version

An Open Letter to Iraqi President Jalal Talabani

-- from the ad hoc committee of Grenoble Students for a Democratic Society

A shoe?… a pie?… A Statement!

BURST OF ANGER: Following the Iraqi journalist

“A last kiss, you dog, from all the widows and orphans you have created!”

 

Dear Mr. President,

Muntathar al-Zaidi, the twenty nine year-old correspondent who threw his shoes at the US president George W. Bush, is facing today a severe sentence of seven to fifteen years in prison for attempted murder. The harshness of this sentence is due to the Iraqi judge’s interpretation of the act as an attempt to ‘kill’ the president. This actually means that if Muntathar al-Zaidi had used a gun instead of his shoes and shot at the president but missed him, he would probably face the same charges.

The flagrant contrast between the two situations demonstrates that the official reading of the act completely misses the point, for the guy’s aim was not to assassinate the American president, but simply to make a statement by shaming him. Indeed, the symbolic gesture boldly carried out by the Iraqi journalist is reminiscent of the long cherished tradition of ‘pie-ing’ in Western culture. This practice which consists of splattering an unpopular public figure with a cream pie has been widely accepted as ‘the dispossessed’s last resort to voice his/her opinion’. As Aaron Kay, widely known as ‘the pieman’, explains: ‘pie-ing is an essential tool for deflating the pomposity of these politicians and commentators. I considered myself a defender of justice. But believe me, I still have a list of people who need to be pied." His targets have already included numerous politicians and public personalities, such as Canadian PM Jean Chretien, former Democratic Senator Daniel Patrick Moynihan, ex-CIA chief William Colby, conservative Phyllis Schlafly, liberal California Gov. Jerry Brown, economist Milton Friedman, and the list goes on. . . .

Gradually this practice gained prominence as a form of defiance to powerful public figures and became deeply  imbedded in the Western political culture of dissent.. Its ultimate aim was never to physically harm the target, but, in the words of Rodney Barker, ‘to point out to the general public that the emperor doesn’t have as many clothes as he thinks he does’. Put another way, pie-ing is essentially a humbling experience which aims at the dignity of the person in question in order to knock him down a peg or two.

From this standpoint, parallels between al-Zaidi’s shoe throwing and pie throwing become unquestioned. Al-Zaidi’s gesture was interpreted differently by the media. The point of intersection, however, is that this act is a most degrading gesture in Arab culture. While this comes as part of the western media’s continual essentialist representation of the Arab culture by trying to reduce it to a monolithic whole, it’s evident, however, that the ultimate aim of al-Zaidi’s protest was to debase the “Emperor,” or more  accurately the messenger of the U.S. corporate oligarchy. Indeed, al-Zaidi did not shout ‘Allah Akbar’ nor ‘death to the president’ when throwing his shoes, one after the other, but he rather screamed at the top of his lungs calling Bush “kelb” (which means “dog”), thereby fueling the message behind his symbolic gesture to demean the American president. As such, al-Zaidi’s act should be seen, not as an attempt to do physical harm to the president, but rather as a spontaneous reaction of a person who witnessed firsthand the destruction of his nation and the mass murder of his fellow citizens “a last kiss from all the widows and orphans you have created!”

Seen in this light, Muntathar al-Zaidi’s protest can be interpreted as a long-awaited renaissance of humanism in Iraq, reclaiming humanity’s the freedom of expression. In the case of pie-ing in the United States, the most severe sanction was issued in San Francisco, California by judge Ernest H. Goldsmith against the three pie-throwers who attempted to humiliate Mayor Willie Brown. They each received a sentence of 6 months in the county jail which was interpreted as ‘draconian’ by most citizens of San Francisco.

On similar grounds, we think that Muntathar al-Zaidi’s action should be interpreted as an expression of free speech, primitive, a little violent, for sure, but as Asad Abu Khalil, professor of politics at California State University, Stanislaus and editor of the Angry Arab blog, quipped, "The fellow would have preferred rotten eggs and tomatoes if they were as easy to sneak through the tight security checks as ... shoes.”In a nutshell, condemning al-Zaidi to such a heavy sentence is to condemn freedom expression, which is central to a healthy democracy. Hence, we students of Grenoble join the massive mobilization to demand the  most urgently needed guarantee of safety and of fair treatment, and the early release of the Iraqi journalist, Muntathar al-Zaidi, who, by credible reports, has already been subject to sever beatings and other abuses by Iraqi security forces.

Such a reversal of official policy, on your part, President Talabani, would encourage freedom of expression in your region. We believe that this would ultimately contribute to the development of a flourishing of democracy which has been one of the stated purposes of Bush’s foreign policy in Iraq: namely, “to spread the blessings of democracy, freedom of speech, and human rights to the rest of the world.” We hope that you will not hamper this cause with an excessive use of force.

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